François Hollande : de l’Homme Normal à Monsieur Muscle.

POLITIQUE-HOLLANDE-PORTRAIT

Notre Président est enfin Président. François Hollande a abandonné l’image de l’Homme Normal, image qui lui avait permis de faire la petite différence de pourcentage à l’Arrivée en juin dernier. Il s’est délesté de cette panoplie mais… pour revêtir quelle nouvelle image ? Les bibis n’ont pas mis longtemps à la découvrir : c’est l’image de Monsieur Muscle qui prend le relais.

Coïncidence : je sortais de la lecture très instructive de Christian Salmon («StoryTelling» aux Editions La Découverte) (1) où était analysée – dans le champ politique américain – cette gigantesque Machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits. Aujourd’hui, les conteurs et les griots modernes ont pour nom Spindoctors et StorySpinners : ils fabriquent de la légende, confondant volontairement Nation et Narration.

Cette ligne d’horizon narratif est née en Amérique après le traumatisme du Watergate, avec Reagan (qui fut un acteur de série B à Hollywood) et en Europe avec Margaret Thatcher (La Guerre des Malouines ressuscitant l’Histoire de la Grandeur britannique). Il s’amplifia avec Bush père, passa par Clinton et culmina avec le Georges W. Bush.

Le Politique ne faisait que suivre l’Economique (et la glorification des Marques). On se souviendra ici comment Nike, vilipendé pour ses articles fabriqués par de petites mains asiatiques, s’en sortit avec son Histoire, son récit «Just in Time» pour reconquérir ses adeptes. Storytelling Management et Storytelling politique vont de pair : il faut fidéliser, conquérir sa clientèle (ou son électorat) et lui faire partager activement les récits pensés et proposés par les Gourous de la Com.

Euro SCG Pub

Aux USA, ils ont Hollywood. Les pages de Christian Salmon sont remplies de détails qui montrent le travail de coopération poussée entre l’Usine Hollywood, l’Armée US et le Pentagone. En France, nous avons EuroSCG de Fouks, Anne Méaux et Maurice Lévy de Publicis.

Il était donc un petit François qui, tapi dans l’ombre des Grands (DSK était alors un Ogre PS), dans l’ombre de sa Femme (déconsidérée après son échec 2007), pointa alors le bout de son nez. Il profita de la disgrâce et des errements de Dominique, de la misogynie des français (Ni Ségolène, ni Martine) pour se hisser en Maillot Jaune à la fin du Tour des Primaires.

Homme Normal

Le début de la Story-Hollande se mit alors en place et en scène via sa «Modestie». DSK écarté, Valls trop gendre-pour-belle-maman, Ségolène trop mégalo et Aubry-trop-femme-molle, Hollande arriva sur la pointe des pieds à un moment où l’Homme de Droite (Sarkozy) avait essayé de donner une autre Direction à sa Storytelling d’Homme (lire billet-BiBi) moins égo, plus «gaullien», à distance, au-dessus de la mêlée. Trop tard ou plutôt trop, too much : ça sentait la Manipulation, on avait éventé la mauvais comédien derrière ses pitreries.

Hollande DSK Aubry

Or s’il faut ne pas rater une chose dans la StoryTelling, c’est de produire un effet de croyance vrai, une «authenticité» qui donne à rêver à travers la Personnalité même du personnage. Un effet de croyance à faire partager, un effet qui cherche toujours à rassembler les électeurs en un Corps, qui donne confiance et qui rassure. François Hollande profita de ce besoin de réassurance du Corps social français (affolé par le Petit Agité) en mettant en avant cette «normalité» éloignée du Fouquet’s, du yacht-Bolloré et des paillettes-Carla. Fiction mobilisatrice et gagnante de Hollande autour de sa normalité (modestie + proximité + similitude).

Mais dès le mois de juin-juillet, les Journaux et les Chaînes télévisées (dévoreurs de récits et de contes de fées) qui construisent toujours leur puissance sur la fabrication d’Histoires, ne tardèrent pas à monter au créneau. Ils se gaussèrent de l’Histoire à deux femmes (Ségolène-Valérie) prolongeant celle de Cécilia-Carla mais s’en fatiguèrent vite. Et l’ «Opinion Publique» aussi qui, elle, ne voyait rien venir en bénéfices et réelles gratifications.

valerie-trierweiler

Affolement général à l’Elysée : plus question de demeurer dans la fiction de l’Homme Normal. Dans la logique libérale (à laquelle on se plia rapidement), l’Elysée laissa tomber les arguments contre les Sondages (désormais vus comme incontournables) et comprit la nécessité de la Storytelling pour garder le Pouvoir (les réelles batailles promises contre la Finance ? Vous n’y pensez plus, mon cher BiBi !)

Septembre–Décembre fut occultée par la Guéguerre à Droite. Seule aspérité du Réel (toujours là comme une butée intransigeante) : Florange, conflit national, touchant au cœur chaque salarié. La façon dont Hollande négocia, affola le populo et l’image d’un Président-hélas-normal, hélas-sans-envergure perdurait. Ce qui fut un atout (avant élection) devint subitement un terrible handicap.

L’Homme Normal ou comment s’en débarrasser : voilà qu’au Palais de l’Elysée, affolé par les sondages, il fallut triturer ses méninges.

Et naturellement, on puisa dans le Passé.

Dans le passé proche… le passé américain.

BushOn alla chercher les mythes bushiens, les thèmes de l’Occident contre l’Orient, de la Guerre juste, on construisit un personnage charismatique, en habit militaire, en Homme fort. Apparut enfin le Justicier en armes, enfin Président. On sait combien, en France, depuis De Gaulle et Mitterrand, beaucoup de français aiment les Pères-la-Trique : l’Homme qui ne se laisse pas faire, qui bat pavillon patriote reçoit souvent l’assentiment des français. Et l’assentiment majoritaire, faut le cultiver tous les jours.

Pour l’instant, ça semble marcher. Voilà qui calme momentanément l’Elysée qui se félicite de voir l’initiative guerrière-humanitaire (?) approuvée à 64% et la côte de Monsieur Muscle remonter dans le pays. Mais les seuls satisfaits sont les Spin Doctors qui – plus que jamais – affirment leur pouvoir hégémonique sur le(s) Politique(s). Ainsi on ne propose plus d’argumentaire (quelle justification autre dans cette guerre que lutter contre «le terrorisme» à la façon-Bush ? Le développement du Mali ? Bouh…), on met en avant un personnage (François Hollande devenu Monsieur Muscle) et un récit (où on se montre sans pitié au Nom de la Sainte Liberté).

Le feuilleton – comme la Guerre – continue.  Affaire à suivre donc.

*

 (1) «StoryTelling» de Christian Salmon. Un livre très instructif sur les méthodes des Spin Doctors de l’ère Reagan-Bush-Clinton. BiBi attendra un prochain livre sur ce storyteller d’envergure qu’est Barack Obama.

3 Responses to François Hollande : de l’Homme Normal à Monsieur Muscle.

  1. Robert Spire dit :

    Parmis les « story-tellers » à la française, il y aurait aussi Claude Sérillon?

  2. En faisant baisser la courbe du chômage, F Hollande regagnerait de la popularité. Ah oui ! Pour faire baisser le chômage en France il faudrait mettre en place des vraies réformes… Ouais ! On peut toujours attendre ! On aura droit qu’aux rustines comme le contrat de générations.

  3. AgatheNRV dit :

    Nous avions reçu M.Salmon pour une dédicace autour de ce livre. Je partage ton intérêt. Quand à M.Muscle, comme tu le relèves très bien, le storytelling différencie (par des nuances insignifiantes) quelques êtres qui sont totalement interchangeables et poursuivent la politique du chaos.

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