Michel Butor, Garcia Lorca, Imre Kertész et quelques autres.

 Lectrice

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Tout m’est venu lorsque j’ai trouvé cette magnifique phrase de Michel Butor en dialogue avec  Madeleine Santschi :« Travailler sur le langage change la réalité par le seul fait que cela change la façon dont nous voyons la réalité ». La maxime de Butor fut aussitôt mise en tweet. Je fus heureux de voir qu’elle rencontra et toucha nombre de mes followers (et même au-delà). J’ai alors repris mes livres de Butor et quelques autres livres – lus autrefois – quelques auteurs jamais quittés. J’ai retrouvé quelques passages soulignés au stabylo, des textes en morceaux, des phrases éparses toujours aussi fortes, aussi intenses, aussi vibrantes. Phrases ensoleillées en ce début d’été pluvieux.

 Michel Butor.

Déclaration à Paris-Match en 1978.

Michel-Butor-

« Je pense que la littérature transforme la réalité. Le seul fait de constater un certain nombre de choses fait qu’elles ne peuvent plus rester comme elles étaient avant cette constatation. Un écrivain n’a pas besoin de s’engager. Il lui suffit de sa littérature. Presque tout ce qui fait notre vie passe par le langage. Dès qu’on touche au langage, on transforme la réalité. Il y a des choses que nous ne savons pas dire, faute de trouver l’expression juste. Si on arrive à cette expression, des pans de murs entiers s’écroulent et on découvre des horizons tout neufs. C’est cela changer la vie ».

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Pierre Legendre.

La fabrique de l’homme occidental.

Pierre Legendre

«Une société n’est pas un amas de groupes, ni un torrent d’individus, mais le théâtre où se joue, tragique et comique, la raison de vivre.

La raison de vivre nous vient du langage. Une maxime de juristes dit ceci : «On lie les bœufs par les cornes et les hommes par les paroles».

Il faut comprendre que nous portons le joug, et que l’espèce humaine, à cause de la parole, rencontrent l’effroi et l’énigme du pouvoir.

Même démocratique, le pouvoir est la démesure. Même porté par l’alliance de la Science et du Bonheur, il notifie à l’homme que la société le dépasse, tout comme le langage dépasse l’individu qui parle. Le pouvoir ne meurt pas. Partout sur la planète, il affronte l’absolu de l’Abîme. Il manie la foudre.

S’il n’est pas endigué et contenu, il devient une Terreur qui saigne à blanc ceux qu’il gouverne».

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Federico Garcia Lorca.

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«La poésie est quelque chose qui marche dans la rue. Qui bouge. Qui nous côtoie. Toutes les choses ont leur mystère, et la Poésie est le mystère que contiennent toutes les choses. On passe près d’un homme ; on regarde une femme ; on devine la marche oblique d’un chien, et en chacun de ces êtres se loge la Poésie… Je ne conçois pas la Poésie comme une abstraction mais comme une chose réelle, qui existe».

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Imre Kertész. Liquidation.

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«Quand j’eus terminé ce livre, il s’endormit en moi comme tous les autres, enfoui sous les couches douces et épaisses de mes lectures successives. Des quantités de livres dorment ainsi en moi, des bons et des mauvais, de tout genre. Des phrases, des mots, des alinéas et des vers qui, pareils à des locataires remuants, reviennent brusquement à la vie, errent ou entament dans ma tête de bruyants bavardages que je suis incapable de faire taire».

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Jean Guéhenno. Carnet d’un vieil écrivain.

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« Il faut, en dépit de tout, écrire pour tout le monde, non pour les pauvres ou pour les riches, pour les petits ou les grands bourgeois. C’est au lecteur à choisir, mais précisément il faudrait apprendre à tous de choisir. C’est ce qu’on fait peu dans les écoles. Il semble qu’on s’y méfie, qu’on y ait peur des livres,  dès qu’ils ne sont pas des livres de classe, des manuels autoritaires où, selon la tradition mais aussi selon la conjoncture historique, l’ordre régnant dans le pays, on a rassemblé tout ce qu’il est convenable d’enseigner pour ne rien troubler et que chacun devienne aussi conforme et obéissant qu’il est possible».

 

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