Délinquants et encadrement militaire : la voie Royal (1)

Ségolène Royal a remis une énième fois sur le tapis l’idée d’encadrer les mineurs délinquants par des militaires. BiBi trouve cette solution aberrante et en a fait part sur Twitter. Il a vu alors arriver une contestation royale sur ses tweets.

Ce qu’il y a de difficile dans les débats d’aujourd’hui, c’est cette tendance à cataloguer d’emblée l’Autre, à faire jouer l’intimidation via l’allégeance (avant d’écouter ou de lire ce que tu as à dire, on te demande de quel bord tu es etc…), à laisser l’argumenté de côté pour ne garder que le péremptoire d’appartenir au (supposé) bon Club de Supporters.

Les 140 caractères de Twitter ne laissant que peu de place à l’exposition détaillée des prises de position, BiBi va essayer d’en dire plus sur cette idée stupide. Débat ouvert.

Eric Ciotti vient de donner l’aval à l’idée ségoléniste. Cela n’a guère l’air de déranger les supporters de Madame Royal. Pourtant, c’est plutôt curieux cette propension à appeler les militaires pour inculquer aux redoutables racailles «le savoir-être et le savoir-faire» dont seraient supposés être dotés ces mêmes missionnaires militaires, non ?

Cette idée – hélas, plutôt majoritaire – de les encadrer, de les punir à tout prix, ne date pas d’aujourd’hui. L’enfant non-maitrisé par le juge et l’uniforme faisait peur. Au 19 ième siècle, la brave populace voyait d’un bon œil la mise à l’écart de ses pauvres, de ses orphelins, de ses vagabonds, pilleurs de fermes ou autres voleurs de poule. On les plaçait d’autorité dans des internats «punitif» à encadrement militaire ou dans des colonies agricoles. Ces colonies (Mettray aux environs de Tours, Belle-Ile-en-mer pour «bons» exemples) étaient de véritables bagnes. Ils avaient fini par déclencher de grandes campagnes d’opinion contre les abus qui y étaient constatés. Et aujourd’hui – bis-, l’enfant non maîtrisé fait toujours peur.

Aux Etats-Unis, une réponse récente à la délinquance fut d’ouvrir des centres clos à encadrement militaire, alternatifs à la prison. Le pire fut la «pédagogie» sur laquelle ces centres fonctionnaient. Etaient mises en avant les thèses en acte de la psychologie comportementaliste, thèses fondées sur un style «commando» avec des séances publiques de culpabilisation et d’autocritique, des brimades, etc. Lorsqu’un bilan est fait, on y note des résultats traduits en «positifs» (docilité & soumission !) à très court terme. Les résultats sont beaucoup plus mitigés à moyen terme lorsqu’on les jeunes sont revus 1 an après leur séjour (6 ou 12 mois).

Idem en France avec l’expérience de l’Association «Jeunes Equipes au travail» (JET) avec séjours de rupture de 4 mois pour jeunes délinquants français ou étrangers. Ces stages sont encadrés par des militaires, des volontaires que l’armée et la gendarmerie met à disposition. Le financement est à la charge des Armées et non de la Justice. L’expérience non concluante s’est arrêtée en 2003 après 17 années d’expérimentation.

«Notre taux de réussite était faible. Deux ans après leur passage chez nous, on estime que seul un bon tiers des jeunes n’était pas retombé dans la délinquance. Et le taux de réinsertion diminuait au fil des ans, les jeunes devenant de plus en plus violents » se souvient l’Amiral Girard. En 2003, un rapport du Sénat sur «le soutien militaire à l’insertion des jeunes», rédigé par Michel Pelchat et Jean-Pierre Masseret (PS, proche de Ségolène Royal) pointait «la très grande difficulté de réussir à réinsérer ces populations».  http://www.senat.fr/rap/r02-380/r02-3808.html

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(A suivre).

5 Responses to Délinquants et encadrement militaire : la voie Royal (1)

  1. borneo dit :

    Bien vu

    j’attends la suite pour commenter plus amplement dés lors que je ne doute pas un instant y retrouver quelques unes des réflexions qui sont les miennes sur le sujet

  2. Cet encadrement militaire que j’ai connu, il y a déjà du temps, était pratiqué par les régiments des chasseurs d’Afrique en prolongation des bagnes militaires style « Biribi (ce n’est pas un jeu de mot) et Tatahouine » .

    Je rencontrais en taule, des types, condamnés de droit commun, qu’on regroupait dans des camps spéciaux. Leur tâche, sous l’encadrement de légionnaires chevronnés, consistait à creuser des trous puis de les reboucher.
    La brutalité y était courante et les prolongations de service militaires variaient de 2 à 5 ans !

    Ils ressortaient de là comme des épaves mais en les observant de près, je n’aurais pas souhaité croiser leur chemin dans le civil.
    Les épreuves les avaient endurcis, déshumanisés, rendus encore plus dangereux.

    Cette idée de Royal est une sombre connerie : elle ne peut sortir que de la tête de gens qui n’ont aucune expérience des profondeurs de l’armée…

    Tu as raison, mon cher Bibi, en tant qu’éducateur, de te mobiliser contre de pareilles sornettes.
    L’armée n’a jamais été une machine à laver les consciences et les comportements, sinon, il y a longtemps que cela se saurait !

  3. lediazec dit :

    Comme toi, moi aussi, j’ai voté Ségo en 2007. Davantage pour réduire la marge du Nain que pour le programme de la Royal et, aussi, pour ses manières qui m’insupportent. Maintenant elle ajoute une louche avec cette histoire de « Cayenne band » pour jeunes pas « glops ». Beurk.
    Sans doute son côté fille de colonel qui revient au galop !

  4. BiBi dit :

    @lediazec
    Oui, au galop… pour tenter de se remettre en selle.

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