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« Bloguer encore ?» Réponse à Sarkofrance.

Au blogueur Sarkofrance, une question se pose depuis qu’une majorité de français a foutu Sarkozy à la porte et l’a envoyé en voyage à Marrakech, Londres ou Moscou pour des Conférences grassement payées. La réponse de Juan (en huit points) est sur son blog. A la fin de son billet, il passe le relais à d’autres blogueurs. Son interpellation en chaîne Pourquoi blogues-tu encore ?»)  est passée par moi. Je réponds donc volontiers.

Et maintenant… que vais-je faire ?

Les temps du Quoi faire?, du Comment faire?, du Qu’y a t-il à faire? sont revenus. Le Pôv’ Con s’en est allé et le Changement, c’est – paraît-il – ici et maintenant. 

Ainsi va l’humeur changeante du Monde : entre la Victoire en doux bécots et la Mélancolie-Bécaud ramassée en une chanson.

Questions autour de la Blogosphère.

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Curieux : SarkoFrance vient découvrir qu’avec le Web, on ne peut pas tout et que misère de misère, «tout ceci n’est que du Web». Puis il constate (découverte récente ?) : «Et, voyez-vous, tous les électeurs et électrices ne sont pas «connectés».

Oui curieux que, jusqu’ici, il ait pu croire – avec son expérience de bloggeur politique ou de politique qui blogue – que le fait de tenir un blog, de dire, d’écrire des billets, de les transmettre via leur mise en ligne devait obligatoirement déboucher sur un sentiment révolutionnaire et que, ni une ni deux, le Petit Chef allait dégager illico de l’Elysée.

Finalement, SarkoFrance pose une bonne question : Quel pouvoir avons-nous ? (Nous = les tenants des blogs «politiques» ). Cette question n’est pas autre chose que de s’interroger pour savoir d’où l’on parle, écrit, transmet et comment on pourra agir le plus efficacement possible.

EN PREAMBULE.

D’où on parle ? PensezBiBi n’est pas un blog politique. BiBi s’interroge encore sur la définition (dominante) du mot «politique», mot qui, pour lui – il va vite – ne se réduit pas du tout à ce qui est nommé, dénommé, catégorisé en «politique». Ce qui est politique concerne la vie de la Cité et tous ses champs (champs «politique» comme artistique, sportif, culturel) qui y sont inclus. Dans l’appelation «blog politique», l’adjectif «politique» y est souvent un synonyme d’«étriqué », de «réducteur », un synonyme réduit hélas à «qui parle de politique».

Faire la critique du film «Les Petits Mouchoirs», parler de Michel Butor ou de Georges Haldas est aussi important que de décocher les Flèches anti-sarkozystes car BiBi a la faiblesse de croire que la Pesanteur de la Vie s’infiltre par tous les pores de la Société (libérale) pour la pérenniser et la conserver telle qu’elle est. BiBi est passé par les écrits de Farge-Chartier-Corbin-Foucault-Bourdieu-Boltanski et par leurs fourches caudines qui l’ont certes désenchanté dans son rapport au Monde mais qui – dans le même temps – lui ont fourni quelques tuyaux pour y voir un peu plus clair.

POLITIQUE, RESISTANCES.

Lui reviennent en mémoire ces deux belles ces sentences. Celle de Roger Chartier : «Les œuvres littéraires peuvent changer la façon de penser le monde et la société ou de considérer le passé». Celle de Marx : «Dès le début, une malédiction pèse sur l’esprit, celle d’être entaché d’une matière qui se présente ici sous forme de couches d’air agitées, de sons, en un mot, sous forme de langage». La «littérature», la peinture, le cinéma, la vidéo et autres lieux signifiants sont ces milieux, ces champs spécifiques où se déploient des résistances à l’Ordre et aux Formes établis. Déploiement des résistances. Du politique donc.

LE MONDE ENTIER.

Faut-il rappeler qu’écrire des billets de blogs n’est pas parler et dialoguer avec le Monde entier ? Et ceci, pour la simple et bonne raison qu’il y a inégalité dans l’accès (ou face) au Web. Et que, même en étant abonné au Web, il faudrait encore que la propre reconstitution de sa force de travail soit employée au minimum à lire les blogs.

Et autres raisons possibles : il faudrait aimer la politique, il faudrait aimer imaginer un intérêt et un plaisir à en faire (vs le climat de dégradation dans le Monde politique), il faudrait que le «politique» soit perçu comme une affaire intime et bienfaisante etc.

BiBi ne s’est jamais leurré : même avec près de 400 lecteurs par jour et 1050 billets en 3 ans, il ne s’est jamais enflammé sur l’influence qu’il a. Sur ses 400 lecteurs quotidiens, une majorité d’entre eux sont convaincus – d’avance – par ses billets.

S’ORGANISER ?

En conclusion, SarkoFrance lance : «Nous devons, nous Blogueurs, nous organiser». Mais tendanciellement, sans se l’avouer, les bloggeurs le sont… organisés ! La Blogosphère fonctionne déjà très bien en groupes affinitaires, en tribus, en LeftBlog, en Kremlin des Blogs ou République(s) des Blogs etc. Et même plus lorsqu’on se penche sur la Politique des Liens. Denis Szalkowski a raison lorsqu’il rapporte que «l’essentiel des blogs qui composent le Top 100 des classements Wikio sont amenés à commenter le commentaire qui, à son tour, est commenté par des commentateurs ! (…) On n’oublie pas de faire un backlink vers le blog de son «ami».

Une organisation très organisée qui finalement donne le sentiment de tourner en rond. Les bloggeurs parlent aux bloggeurs. Et les bloggeurs répondent… aux bloggeurs.

Et lorsque le Wikio, organisateur de tous ces liens, disparaît, la déprime n’est pas loin : «Wikio disparaît, c’est déprimant, dit un tenant de blog, on s’était habitué au classement et aux pages d’accueil bien notées». La Vie d’un blog, la vie d’un bloggeur dépendant d’un Hit-Parade : misère !

UNE REDECOUVERTE DU REEL.

Comme l’écrit Monique Dagnaud, les 15-30 ans sont «une génération qui a commencé son apprentissage de la vie avec les outils informatiques». Aujourd’hui, les bloggeurs influents touchent à la Quarantaine. Eux aussi élevés au Web – un Web qui penche à «Gauche» – ils pensent que leur désir est la Réalité mais les faits sont têtus. Nous voilà en pleine période pré-électorale : on s’est enivré des Primaires et on a commenté le moindre mouvement de la Merkozy, on s’est renvoyé des tweets ironiques, on n’a pas hésité à faire et à écrire «cynique», on a cru voir le Soleil se lever etc.

Et voilà qu’on découvre que le Réel n’est pas si malléable que ça, que Sarkozy garde ses chances d’être réélu et que – malgré X billets anti-Sarko – le Dragon est toujours là et pas encore terrassé. Leurre de croire le Pouvoir à l’agonie, dangereuse croyance à le croire prêt à trépasser alors que le Pouvoir et ses Chiens de Garde se sont réorganisés autour des nouveaux Médias et qu’ils en sont beaucoup moins effrayés. Des petites preuves ? L’arrivée par exemple d’Atlantico sur le Marché politique du Net ou encore les petits malins de bloggeurs de Droite qui jouent amicalement avec des gens de gauche, qui s’installent dans leur blogroll au nom de l’amitié etc, etc.

PENSER PAR SOI-MËME.

Le déficit est là : dans la pensée. Ici encore le juste constat de Monique Dagnaud : «[Les mouvements nés du Net] ont une grande capacité à s’organiser pour protester – comme l’attestent les mouvements des «indignés» -, ils impulsent des valeurs émancipatrices, mais leur capacité à peser durablement sur la scène politique reste à prouver». Hé oui, la protestation n’est pas la Pensée, n’est pas le Don de Sens.

Et contrairement à ce que pense SarkoFranceIl faut donc sortir du Net, trouver les caisses de résonance adéquats hors du simple cyberespace: presse, radio, TV, livres»), il faut ni en sortir ni faire en sorte de s’y enfermer mais… il faut combiner le Net (son blog) avec une prise de position pensée et réfléchie qui ensuite – espérons-le – débouche sur l’action (hors du Net). Quant à dire comment se comporter, BiBi n’en dira rien parce que c’est à chacun de se démerder, que c’est à chacun de penser son rapport au Monde, de choisir ( un peu), de s’engager, d’agir pour que ce foutu Monde change (un peu, beaucoup, passionnément).

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Les deux photos de bloggeurs sont de Gabriela Herman.

Journalistes et…bloggeurs : faut-il les critiquer ?

Le Groupe de Jean-René Fourtou (patron de Vivendi) se fait le Serviteur zélé de Nicolas Sarkozy. Il y entraîne de vieux copains « journalistes » – Gérard Carreyrou, Etienne Mougeotte, Charles Villeneuve etc – pour renflouer les caisses (de résonance) des Puissants. A l’opposé, des journalistes mi-narquois, mi-désespérés, le plus souvent dans la précarité, tentent de nous informer.

En 1976, les Partis de Gauche stigmatisaient déjà le Pouvoir et les fortunes financières qui tenaient – via Robert Hersant (« Herr Sant » pour le Canard Enchaîné) – la Presse et les Médias. La dessinatrice Chantal Montellier, travaillant alors occasionnellement à France-Nouvelle (hebdo du PCF), livrait ses états d’âme, intitulant ironiquement sa planche en « Une Histoire excessive »…

Une Histoire brutale, toujours d’actualité…

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Le thème du «Journalisme & journalistes» réapparaît aussi chez les Blogueurs puisque Sarkofrance fait un billet intitulé : «Il faut critiquer les journalistes», billet où l’on apprend qu’il sera futur journaliste (bon courage !). Étrange titre de sa part : 1. il faudrait critiquer LES journalistes (sa prochaine corporation) et 2. Il FAUDRAIT critiquer les journalistes.

Pour BiBi, les meilleurs écrits qui touchent au journalisme prolétaroïde restent les articles et le livre d’Alain Accardo Journalistes au quotidien» au Mascaret) et sur l’Aristocratie journalistique, le livre «Les Editocrates» à la Découverte.

Alain Accardo s’y demande pourquoi les journalistes dans leur grande masse ne s’insurgent pas davantage contre le fait qu’ils soient considérés comme des marionnettes. Pour lui, il faut D’ABORD analyser le champ qu’ils occupent et sortir de la vision réductrice qui ne prendrait en compte que les rouages qui les broient. Des journalistes – heureusement – se révoltent mais ce phénomène semble très limité et n’enraye nullement le fonctionnement du système.

Le milieu est individualiste, narcissique au possible et souvent malheureux (on boit beaucoup dans le métier) : il demande du capital symbolique accumulé, une visibilité sociale (les grandes signatures), une reconnaissance par ses pairs etc. Et si on reste – pour les plus jeunes – dans la précarité, on est en même temps gratifié par le fait d’avoir (un certain) droit de vie et de mort sur l’existence sociale des acteurs de la vie du pays. Cette fascination est la base objective qui entretient solidarité et défense de la profession tant bien même les journalistes sont en état de perpétuelle concurrence.

Enfin un point tout aussi important : avec les acteurs du Net, il y a certes du changement mais on assiste à un agrégat entre Médias qui se refont une santé électronique et Nouveaux Entrants dans le champ du Marché informatif (bloggeurs, créateurs de Sites informatifs etc). Les grands sites des journaux se sont vite mis au pli pour truster le Top niveau. Quant aux bloggeurs, ils visent, eux aussi, à capitaliser de la notoriété (BiBi s’inclut dans le jeu). A la moindre occasion, ils cherchent à être «influents», ils font du lien, se dotent d’Instance de consécration (voir la folie et la soumission qui saisit tout bloggeur aux résultats mensuels du Wikio, voir la fascination pour le nombre d’abonnés sur réseaux sociaux etc).Temps de recomposition entre Journalisme à l’ancienne et l’Info-Net mais les clivages demeureront. Chez certains, on appelle ça à juste titre la Guerre idéologique.

Sarkofrance écrit : «Un journaliste m’a dit un jour de 2008 que les polémiques d’antan avait disparu. Qu’on manquait de joutes inter-journaux. Qu’il faut secouer ses contradicteurs, sans dépasser les bornes. Il a toujours raison». BiBi observe pourtant le même phénomène de retenue dans la blogosphère (est-ce la politique du lien qui intimide ?). BiBi se souvient de hauts faits d’armes où il s’aventura à analyser/critiquer des bloggeurs de gauche au Congrès de Reims ou à râler contre le billet d’un benaliste chez un bloggeur lyonnais. Ouh la la :  que c’était bon ! Y avait au moins de la Joie et de la Pensée.

Il serait peut-être alors temps d’écrire un billet avec ce titre : «Pourquoi il faut critiquer les bloggeurs»?

Quand C. Askolovitch du JDD rencontre BiBi sur Twitter…

Lorsqu’il découvrit la demande d’abonnement de Claude Askolovitch, éditorialiste du JDD, à son compte Twitter, BiBi se demanda si ce n’était pas un bug informatique, un hasard électronique ou une demande sérieuse de dialogue de la part de l’éditorialiste. BiBi (300 lecteurs par jour) accepta non parce qu’il est flatté ou magnanime mais plutôt parce qu’il est curieux. BiBi n’avait en effet qu’une seule question-tweet à poser au Rédacteur en Chef du JDD (300000 lecteurs par dimanche) : « Monsieur, aviez-vous signé, en son temps, la lettre au Frère Lagardère des journalistes du JDD qui protestaient contre l’orientation trop sarkozyste du journal ? »