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Trois ponctuations dominicales.

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L’Amitié malgré tout.

Deux hommes, deux amis. L’un se plaint à l’autre :
– J’ai de gros soucis. J’ai perdu mon boulot.
– Bah ! ça aurait pu être pire !
– Mon médecin a découvert aussi que j’avais un cancer…
– Oh mais ça aurait pu être pire !
– Ma femme m’a quittée et mes enfants ne veulent plus me voir…
– D’accord, d’accord mais ça aurait pu être…
– Écoute, ça suffit ! Pourquoi répètes-tu tout le temps que «ça aurait pu être pire…». Qu’est-ce qui pourrait être pire ?
– Ben, ce qui aurait pu être pire, c’est que tout ça arrive… à moi !

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Un Prisonnier en toute liberté.

« A la fin de sa vie, Rothko [peintre américain] a décoré une chapelle non confessionnelle. Je suis allé la voir. Je suis resté longtemps à l’intérieur car je voulais voir la façon dont le soir y venait. C’est éclairé par le sommet ; pendant la journée le soleil peut donner à plein, apporter une grande touche de lumière, puis le soir tout s’assombrit ; je voulais savoir ce qui pouvait en quelque sorte suinter de ces peintures. Je suis donc resté dans ce lieu environ deux heures.

Il y avait là un gardien, un noir américain, et ce devait être une des premières fois que quelqu’un restait si longtemps ainsi à l’intérieur de cet endroit. Tout à fait à la tombée de la nuit, juste avant la fermeture, il est venu me trouver et m’a dit : «Eh bien, Monsieur, est-ce que cette peinture vous intéresse ? – Oui, bien sûr. – Et qu’est-ce que vous dit cette peinture ?» J’ai essayé en quelques mots de lui expliquer ce que je vous dis là; il m’a répondu : «Je suis un ancien policier ; j’ai tué un homme et je n’ai jamais pu surmonter cette épreuve. A partir du moment où j’ai tué cet homme, je suis devenu un mauvais policier, alors on a essayé de m’utiliser d’une façon ou d’une autre. Ainsi je suis devenu gardien de cette espèce de chapelle. Depuis que je suis là, j’ai trouvé la paix et c’est le seul endroit où je peux passer la journée».
J’ai trouvé cela extraordinaire, et je me dis que le pauvre Rothko qui s’est suicidé peu après – ce qui montre bien la profondeur des problèmes qu’il essayait de résoudre – a pourtant gagné complètement. C’est une réponse prodigieuse à tout ce qu’il a fait, à tout ce qu’il a tenté de faire ». (Michel Butor. Entretien. Cahors 12 mars 1984).

Dans une autre vie, BiBi écrira du théâtre, des scenarii. Il n’aura pas besoin de chercher ailleurs le début de la pièce (du film).

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Aphorisme dominical.

BiBi ne sait plus où il a cueilli cet aphorisme mais il l’a adopté :
«Lorsque tu sens le danger, plaisante»