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Fouillis et Gazouillis Twitter.

Twitter et BiBi

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Parler, raconter des histoires, en faire, lancer des sentences à la volée, entre Almanach Vermot et Rigueur scientifique, tout cela fait du bien. Mais ce bien-là est-il suffisant ? En effet, nous parlons souvent pour ne rien dire. Souvent aussi, nous parlons, parlons, parlons pour ah la la commencer enfin à… dire. Très souvent encore, parlons-nous pour ne pas avoir à dire, pour cacher des choses, se cacher (ou à l’inverse, pour s’ouvrir, se découvrir). La parole recèle autant de terribles pièges que d’ouvertures bienfaisantes. 

Racontons donc cette petite histoire avant quelques pensées-bibi et quelques aphorismes supplémentaires d’auteurs de renom mis en ligne sur Twitter…

Une courte histoire (drôle ?) avant de se risquer à d’autres paroles : Deux amis se croisent après de longues années et discutent à bâtons rompus : L’un : Comment ça va ? L’autre : Bof ! L’un : Les affaires, ça marche ? L’autre : Bof ! L’un : Et ta femme, comment va t-elle ? L’autre : Bof ! L’un : Et tes enfants ? L’autre : Bof ! L’un : Bon… ben, au revoir ! L’autre : Au revoir. Oh, c’est vrai qu’on se sent mieux après avoir parlé.

Maurice Roche, aventurier des Langues.

J’ai «connu» Maurice Roche par ses livres (Compact, CodeX et J’vais pas bien mais faut que j’y aille). Chacun de ses livres bourrés d’incises, de divagations, de fragments, de jeux graphiques, de bifurcations faisait au total un Récit étonnant et détonnant. Humoriste noir (entre rire rabelaisien et rictus à la Antonin Artaud), obsédé des chats et de la Mort, Maurice Roche fut hors-norme. Il avait accordé à l’hebdomadaire France-Nouvelle (avril 1978) une interview incisive, sans complaisance.

A l’heure où le petit Monde littéraire est squatté par des critiques plagiaires, des pleureuses et des écrivaillons d’une arrogance inouïe, BiBi se fait un grand plaisir de publier des extraits (1) de cet écrivain populaire (il fit nombre de lectures publiques), ennemi de la Vie telle quelle.

Crâne et Chat.

«Le Chat et le Crâne sont en quelque sorte les emblèmes de mes romans, «comme les doubles de ma signature» a dit Claude Bonnefoy. Il y a là dérision d’idées reçues, du bourrage de crâne, par mise en abîme, mise en boite crânienne (la boîte de conserve). Il n’est pas nécessaire pour méditer ou réfléchir [ou… penser bibi J] de se tenir la tête ( la sorbonne en argot). (…) Dans cette comédie de l’ivresse qu’est la vie, le crâne symbolise la «gueule de bois» : tête bien pleine de toutes les idioties dont on l’a remplie, saoule de palabres, de bavardages stériles (…)»

L’écrivain, l’écrivant et le Gratouilleur.

«Le rôle de l’écrivain est lié à sa situation. Il est à la fois la conscience (bonne ou mauvaise) de son temps et l’image du temps à venir, des temps à venir. Naguère, Roland Barthes faisait la distinction entre l’écrivain et l’écrivant. C’était l’alternative : ou bien on scribouillait, on ficelait de «bonnes histoires avec les mots de tous les jours» et des poèmes à la «va-comme j’te-pousse-tout-ce-qui-s’passe-par-la-tête» ou bien on faisait œuvre d’écrivain, on faisait de la littérature. Depuis quelque temps il existe, en plus, une catégorie de gratouilleurs qui jouent sur les deux tableaux et dont une certaine critique, généralement à la traîne, signale qu’ils «tirent intelligemment parti des acquisitions de la recherche romanesque» ! C’est le comble !»

Censure.

«Nous vivons dans un pays qui apprécie particulièrement les morts. On ne parle jamais autant des artistes et des écrivains que lorsqu’ils ont cassé leur pipe. C’est ça l’Actualité littéraire : l’article nécrologique dans Le Monde. On aime bien les morts : ils sont inoffensifs et on peut les mettre à toutes les sauces. Dieu sait ce que l’on peut en faire (voir Artaud à ce sujet). (…) Henry Miller l’a écrit dans son livre sur Rimbaud : «Les gens n’ont pas besoin d’originalité, ils préfèrent les copies conformes, des moutons, encore des moutons».

Le Génie est dans la Cave.

Henry Miller toujours : «La place du génie est dans le ruisseau, en train de creuser des fossés, dans les ruines et les carrières, partout où son talent ne risque pas d’être utilisé. C’est un instable, dit-on, sur quoi on lui claque la porte au nez. Alors, pas de place pour lui ? Mais si ! On lui trouve toujours un coin : à la cave». On en a étouffé beaucoup et ça continue.

Ce n’est pas de la soupe, ça.

«Poser le problème de la situation de l’écrivain, c’est faire le procès d’une civilisation où il semble représenter un danger pour la prétendue élite toujours conservatrice et hostile à tout ce qui pourrait perturber son confort et ébranler son pouvoir. (…) Le moyen le plus facile – le plus bête – sera de traiter d’illisible tel écrivain (…). Il y a des précédents «illisibles» ceux que j’appelle les Sismographes : Villon, Rabelais, Sade, Hugo, Mallarmé, Joyce, Artaud etc. Ce n’est pas de la soupe, ça (…) Tout un pouvoir fait en sorte que personne ne puisse entendre le bruit profond des cataclysmes à venir».

Un travailleur (singulier).

«L’écrivain est certes un travailleur. Mais sa situation – s’il s’agit d’un écrivain et non d’un bafouilleur de rêves à la petite semaine, est la plupart du temps intolérable. Dieu merci, il a quand même des lecteurs et il est heureusement défendu et soutenu par quelques critiques et par d’autres écrivains solidaires (…) Il n’a aucun statut, il ne saurait en avoir sauf dans la société idéale dont il rêve souvent et où il ne serait plus ce marginal à qui on laisse volontiers entendre qu’il «exerce une profession socialement inutile».

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(1). Interview par Patrice Fardeau parue dans France-Nouvelle (Avril 1978).