Tag Archives: Kerviel

Un matin comme un autre à France-Inter.

franceinter

Un matin comme les autres. J’écoute la Matinale de Patrick Cohen. On parle de Kerviel, de cette affaire dont j’aimerais qu’on la nomme plutôt «Affaire Société Générale». Une dénommée Olivia Dufour parle sans arrêt pour défendre la banque, interrompt sans cesse son interlocuteur, répond à côté à un auditeur pertinent, revient à la charge en monopolisant la parole. A croire que la Société Générale – flairant le danger de voir son affaire malvenue sous le grand nez de la Justice – a déjà délégué ses chiens de garde.

Deux livres, une interview et les 4 mots de l’Etranger.

1. Ces Mots qu’on dit  «importants » et qui le sont… (Interview d’Arlette Farge à Nouveaux Regards. Juillet/Sept 2005) :

«On a pu parfois se féliciter qu’il n’y ait plus d’intellectuels en France, se réjouir de la mort du Père, signes d’une liberté retrouvée. Mais il faut bien constater qu’à force d’être libres et indépendants de cette manière nous sommes devenus orphelins… J’ai pris lentement conscience de la volonté constante de réfléchir à l’utilisation des mots (…). Peu à peu, je me suis aperçue que mes étudiants sursautaient lorsque j’utilisais des termes comme  «domination», «travailleurs», pour ne rien dire de l’emploi de la notion de «lutte des classes». Ce qui m’a incitée à proposer un séminaire sur ces mots, sur leur histoire, leur emploi, leur trajectoire ou leur disparition, leur euphémisation également.
Mais les réactions de la jeune génération ne font que refléter les reniements de la génération précédente. Les engagements politiques, les appartenances militantes ont été oubliés au profit d’un intérêt pour une douce Europe et la déclinaison d’une pensée «molle» inhabitée par les mots que l’on veut anciens et par la compagnie des êtres humains.
Dans le cadre de la recherche universitaire, de nouveaux termes sont promus pour décrire des réalités sociales sans aucun souci pour la pensée et les stratégies des gens eux-mêmes. Ces stratégies discursives et ces effets de nomination sont assez puissants et visent à disqualifier ou à faire disparaître des acteurs sociaux. On nomme des situations en les euphémisant pour faire advenir des concepts sans aspérité qui gomment le réel».

2. Ces évidences qu’il faut imposer contre les idées reçues du Grand Kapital (Frédéric Lordon. Jusqu’à quand ? Éditions Raisons d’Agir, p. 49):

«Providentiel Kerviel ! De la Société Générale, on aurait pu conter l’histoire de son ralliement au modèle de la banque de marché, faire l’analyse des forces structurelles qui ont distordu ses comportements, mais non : le «voyou» – qui ne fait jamais qu’exprimer à sa manière l’essence du système – portera tout. Le département Banque de Financement et d’Investissement de la Société Générale dégageait 700 millions d’euros de profit en 1999, il en donne 2,3 milliards en 2006 et contribue à lui seul à la moitié du résultat total de la banque, n’y aurait-il pas d’intéressantes choses à dire à ce sujet ?»

3. Cette sensation finement analysée par J.B. Pontalis (Dans « Les Marges du Jour » Gallimard, p.52) et qui traverse ceux qui, dans la France, se lèvent tôt.

Le saut :

« Au saut du lit : ce saut qui – brutalement – c’est pourquoi j’en diffère le moment en prolongeant le demi-sommeil qui me permettra une transition plus douce – nous précipite hors de l’espace du dedans et du hors-temps pour nous projeter dans le monde extérieur.

Quand, douché («moi-peau ») – jet d’eau chaude puis froide, la seule opposition binaire que j’apprécie !- et soigneusement vêtu («moi social»), je traverse la cour de l’immeuble, ouvre la porte cochère, je suis saisi par le bruit, me sens attaqué par la violence de ce bruit, moteurs des voitures, pétarades des motos, marteaux-piqueurs, bétonneuses sur le chantier voisin, je retrouve, accentuée, la même impression d’une coupure entre deux mondes antagonistes ».

4. Les quatre mots de l’Étranger.

L’Etranger, le livre d’Albert Camus, est resté un des plus importants « Livres de Vie » de BiBi. Le destin de Meursault, le héros, a frappé son Imaginaire dès son entrée en lecture. L’incipit de la fiction de l’Algérois de Lourmarin – les 4 mots du début du roman – frappe aujourd’hui BiBi dans le Réel. Quatre premiers mots qui portent son deuil :  » Aujourd’hui, Maman est morte« .