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22, v’la Claude Guéant !

Du côté de BiBi, on aimerait bien entrer dans une Maison de la Presse et trouver les hebdos ou revues sans avoir à les chercher. Si on veut trouver «Le Sarkophage», il faut faire le tour des allées et des présentoirs, jeter un œil derrière, écarter des tonnes de revues, d’hebdos. Puis on dégote enfin le sésame, le numéro 25 : on ouvre à la page 6 et nous voilà direct sur le billet de Laurent Paillard.

Sa rubrique habituelle s’appelle : «Le Coin des Sophistes». Le journaliste politologue y a décidé de prendre son temps pour réfléchir aux propos tenus très récemment par un «gredin» :

«Je peux vous assurer qu’entre la justice et la police, nous allons vraiment unir nos efforts pour que les voyous payent. La place des voyous, elle est en prison».

L’auteur ? Claude Guéant, notre actuel Ministre de l’Intérieur. Tout ça rappelle à BiBi la réponse du cinéaste Jean-Luc Godard. A la question «A quoi reconnaît-on un régime politique ?», l’homme de cinéma répondit : «A son Ministre de l’Intérieur».

Pas surprenant : Claude Guéant nie toute approche éducative vis-à-vis de ces adolescents en rupture de ban. Ce n’est pas nouveau : nous sommes dans une logique ultra-sécuritaire (demandez à l’UMPFN Eric Ciotti qui veut faire appel aux Militaires-Mercenaires pour les «dresser»). C’est vrai ça : à quoi bon la Justice ? Hiérarchiser les infractions en lien avec la gravité des faits ? Pffftt, que de temps de perdu !

Les propos de Claude Guéant rapportés ici concernaient l’Affaire de Sevran où l’on avait affaire à un règlement de comptes.

«Notre Ministre, rapporte Laurent Paillard, adopte exactement la posture des criminels. Il ne dit pas ici que l’Etat doit restaurer la paix en jugeant les auteurs des faits, mais il dit qu’ils doivent «payer». Ainsi, il ne fait pas de différence entre le travail de la police et de la Justice et celui des hommes de main de n’importe quelle mafia. Il place l’Etat dans la logique de la vengeance, celle-là même des auteurs des coups de feu à Sevran. Or, c’est précisément cette logique qui nourrit la violence, contrairement à celle de la Justice qui est censée y mettre un terme en arbitrant de façon impartiale les conflits. En effet, il promet une nouvelle agression, pour faire «payer» et non un acte de justice qui doit se conformer à la loi pour être légitime».

Prêter attention minutieuse aux mots, voilà peut-être le premier des combats. Le magistrat Serge Portelli en a fait une magistrale démonstration sur son blog. Les mots ? «Première dérive, premier combat», écrit-il justement. Et Laurent Paillard de lui emboiter le pas :

«Dans les propos de Guéant, nous avons à faire à une négation du principe de la séparation des pouvoirs puisque, d’une part, c’est le Ministre de l’Intérieur qui dit ce que doit faire la Justice et, d’autre part, il gomme la différence entre le travail de la Police et celui de la Justice, différence permettant justement à ces deux institutions de ne pas sombrer dans la violence en empêchant leurs agents de ses comporter comme des justiciers».

Voilà, c’était le coup-de-pouce-BiBi du jeudi au Sarkophage, un bi-mensuel qui fait honneur au journalisme. Pour le prochain numéro, il nous donne RDV le 18 septembre prochain.

L’impossible Une du JDD.

BiBi s’est mis à faire un impossible rêve, à toucher à l’inaccessible étoile : celle de voir dans le ciel de nos libertés, la Une impossible du JDD. Il est très vite redescendu sur terre pour analyser la construction de la hiérarchie de l’Info du Journal de Lagardère en regardant attentivement la Une de ce 28 août 2009.

Dans le cas de la Une de gauche ( celle du journal réel), la mort de Ted Kennedy – si importante soit-elle pour les Américains – occupe toute la place. La Une est immense et ramène les encarts afférents à la portion congrue. Subtile censure : nous ne sommes plus au temps de la Censure directe mais dans celui de la Manipulation maligne. Dans la seconde image (la Une rêvée à droite),  BiBi en présente une autre possible, évidemment très différente. Cette seconde Une engage une autre représentation du Réel et surtout un autre parti pris : celui de dire que cette Réforme de la Justice (avec la suppression du juge d’instruction) est importante pour la vie démocratique du pays. Pas plus, pas moins. Juste le minimum d’objectivité.

 JDD Les Unes.

La  censure douce du JDD se place, elle, à deux niveaux : le premier plan est de nous persuader qu’il y a des évènements beaucoup plus importants dans le Monde (La preuve ? La mort de Ted Kennedy) et, en 2, de nous dire qu’il y a même des choses beaucoup plus importantes en France. Cela légitime pour le JDD que le rapport Léger soit en page 10 et non en page deux ou trois ou quatre.

Enfin, petit plus à ne pas négliger : le JDD en profite pour se placer en journal au service des libertés citoyennes puisqu’il a eu… l’exclusivité du Rapport  Léger (Comment ? Pourquoi ? On n’en sait rien mais on nous laisse croire que sa Rédaction et ses journaleux se sont démenés pour se mettre à notre service). Le sous-titre en est : «Le JDD a eu accès à l’intégralité du rapport». Puisque ce grand Journal  nous livre le contenu du rapport, comment voir derrière tout ça une habile et diabolique manœuvre ? Sauf à être de mauvaise foi, sauf à chercher des poux là où il n’y en a pas, sauf à être très vilain et très méchant comme BiBi.

Quand on a connaissance des lois qui se préparent, de la réorganisation éhontée de notre Justice, on peut légitimement s’indigner des attaques contre nos libertés qui continuent et qui se préparent en douce. L’affaire Outreau vient ici pour servir de paravent et légitimer le pire recul des libertés publiques depuis des décennies. Nous entrons dans l’ère d’une concentration des Pouvoirs jamais vue. Jusqu’alors, on pouvait encore traiter (avec quelles difficultés ! -puisque le travail de journaliste d’investigation n’existe plus) d’affaires importantes. Demain, après-demain, il y aura un Parquet aux Ordres, des Procureurs aux Ordres. Ajoutons-y la volonté de dépénaliser le Droit des Affaires qui est dans l’œil du Cyclope depuis l’arrivée au pouvoir de Little Nikos et on aura une petite idée de ce qui se prépare.

Ce n’est évidemment pas la Une de droite que le lecteur du JDD ( journal dont le propriétaire est Frère Lagardère) aurait pu trouver dans son kiosque aujourd’hui. Et dimanche prochain, le ciel du Journal sera le même : chargé de très, très lourds nuages.