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Victor Martin, résistant belge.

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Drôle d’impression que celle de connaître en un temps record la destinée d’un être jusqu’alors inconnu de vous et définitivement disparu. Jeudi 10 novembre, paraît le numéro de l’hebdomadaire Le Messager et dans ses pages internes, BiBi est attiré par un article : «A la Mémoire de Victor Martin, envoyé en «mission de reconnaissance» à Auschwitz». (1).

Revint alors en mémoire de BiBi son voyage à Auschwitz-Birkenau avec le Train des Justes en avril-mai 2001. Un train aux 14 wagons qui portaient, chacun, le nom de Justes parmi les Nations. BiBi se souvient de cette conversation avec Jeanne Brousse qui fit son simple devoir en fournissant de fausses cartes d’identité à ceux et celles qui fuyaient l’Oppresseur nazi.

Mais qui est Victor Martin ? Quel homme fut-il ? Pas un Juste. Un non-juif, de nationalité belge, sociologue de profession, né en 1912 (il a donc 30 ans en 1942). Le bonhomme se distingua durant la Seconde Guerre Mondiale en ramenant d’une mission en zone allemande les premières informations fiables sur le destin des Juifs déportés en Allemagne et sur le fonctionnement du camp d’Auschwitz.

Sitôt entré en résistance, il intéressa ses compagnons qui virent en sa maîtrise de la langue allemande un atout. On lui proposa aussitôt une mission secrète en terrain ennemi mais sa mission fut autre qu’il ne l’avait imaginé. A la demande du responsable du «Comité de Défense des Juifs», il fut en effet chargé de récolter des renseignements à propos des trains de la déportation des Juifs de Belgique.
Sous couvert de préparer un mémoire sur la «psychologie différentielle des classes sociales», il obtint non seulement des rendez-vous avec le sociologue Léopold Von Wiese à Cologne et un autre confrère de l’université de Breslau (ex-ville de Wroclaw) mais aussi la permission de se rendre entre le 4 et le 20 février 1943 à Francfort, Berlin et Breslau.

À Katowice, dans un bistrot non loin d’Auschwitz, Victor Martin rencontra des ouvriers français du STO qui lui décrivirent l’élimination massive des Juifs et leur incinération.

Il écrivit : «Ici tout le monde sait et tout le monde se tait». Il constate «qu’on tue à l’arrivée tous ceux qui ne peuvent travailler» et griffonne dans un bref message : «Femmes et enfants exterminés, hommes esclaves travaillant jusqu’à l’épuisement, ensuite supprimés».

Arrêté par la Gestapo, il fut emprisonné le 1er avril 1943 au camp de Radwitz où il servit d’interprète. Il s’en échappa le 15 mai de la même année. Rentré clandestinement en Belgique, il fit rapport à ses amis résistants du Front de l’Indépendance qui transmirent le résultat de ses investigations à Londres. Arrêté une seconde fois, il s’évada du camp de Vught en Hollande.

Après la guerre, Victor Martin travailla au Bureau International du Travail (BIT) de Genève avant de prendre sa retraite à Féternes en Haute-Savoie. Il s’installa au lieu-dit «Le Creux» en 1977 et mourut dans l’anonymat en 1989.

A l’heure où certains Européens se félicitent de la nomination de Lucas Papademos («Une bonne nouvelle» selon Jean Quatremer, le correspondant de Libération) qui fait entrer 4 chemises brunes dans son gouvernement, il n’est pas inutile de rappeler l’itinéraire de Victor Martin, résistant belge né non loin de la Capitale européenne.
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(1). L’article mis en ligne est paru dans le journal «Le Messager» (10/11/2011). Il est signé de Marie Selex. Pour lecture, cliquez sur la photo 1.

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La mission de Victor Martin par La_Huit

Ce dimanche, Clairière des Justes à Thonon-les-Bains.

Ceremonie du 20 juillet 2008

BiBi s’était rendu en mai 2001 à Auschwitz via le train des Justes. Il se souvint qu’il avait été éprouvé par cette magnifique journée ensoleillée, par la propreté des lieux et par le vert d’un gazon rutilant. Il avait eu cette intention primaire et sauvage de salir ce lieu, d’y jeter ses papiers sales, de rendre cette  terre maudite inhospitalière.
Ce dimanche 20 juillet 2008, il y avait le même soleil dans la Clairière des Justes au Mémorial de Thonon-les-Bains. S’y était rassemblée une centaine de personnes afin de célébrer les Justes qui aidèrent des juifs, parents et enfants, à échapper à la Déportation et à l’Extermination. BiBi aima la simplicité de la Cérémonie et admira les arbres tout autour. Plantés chacun voilà dix ans par un Juste de France et les mains d’un enfant juif, il eut une tendresse particulière pour cet olivier un peu incongru dans ce lieu mais bien vigoureux. Le recueillement se fit dans la Sagesse végétale et dans le Souffle d’une brise amie. BiBi se souvint du mot de Cioran : « J’abjurerais toutes mes terreurs pour le sourire d’un arbre ».
C’est un morceau d’Ernest Bloch (« Schlelomo ») qui ouvrit cette Commémoration.Il fut suivi du discours de Jean Denais, Maire de Thonon, qui rappela que nous étions ici au Mémorial National des Justes de France inauguré le dimanche 2 novembre 1997. Cette inauguration se fit en présence de plus de 2000 personnes venus de partout pour découvrir cette belle Clairière des Justes. Il fit aussi l’annonce que le 3 mai 2009, la ville de Thonon-les-Bains recevra officiellement le Livre des Justes et des Gardiens de la Vie.
A sa suite, le Docteur Jean-Bernard Lemel, Président de l’Association en Hommage aux Gardiens de la Vie, prit la parole avec émotion : « Au sens étymologique, expliqua t-il, commémorer, c’est se remémorer ensemble. La Communauté juive est très soucieuse de partager ce moment de recueillement avec l’ensemble des habitants de la région et de la ville car cette journée nous concerne tous, quelles que soient notre origine et notre histoire personnelle ». Il donna ce seul chiffre de 84 %, pourcentage des enfants juifs français sauvés par les gestes de la population française. Voilà qui tempère l’idée défendue trop longtemps d’une France délatrice et toute entière pétainiste. BiBi aurait aimé qu’on soulignât qu’aucun des partis politiques au plus haut sommet eut comme mot d’ordre d’alors de « sauver les enfants », partis qui restèrent prisonniers et crispés sur leurs aveuglements idéologiques respectifs. Le Docteur Lemel insista sur la validité et l’authenticité des témoignages, saluant Jeanne Brousse d’Annecy et Ruth Fayon qui connut, elle, cinq camps de concentration.
Après le morceau musical « Prière de la Vie juive » de Chagall, le Sous-Prefet s’essaya à une lecture historique, mettant l’accent sur la rafle honteuse du Vel’d’Hiv commandée par les politiciens pétainistes et exécutée par la Police française (oubli malheureux du qualificatif de « française« ). Il évoqua les différents statuts des juifs qui furent autant de persécutions. « N’acceptons pas d’être les témoins passifs et les complices de l’Inacceptable. Luttons ».

BiBi fut alors pris d’un léger vertige lorsque s’imposèrent à lui les réminiscences des applaudissements très contemporains d’un certain Ministre célébrant les chiffres des expulsés ramenés par ses préfets, indifférent devant les cris des travailleurs africains expulsés des Foyers au petit matin. Attention, BiBi se garde bien de faire l’amalgame a-historique et de rabattre les oppressions du moment sur l’Extermination. Mais il retiendra ce mot d’ordre : « Luttons » pendant que la Sonnerie aux Morts et la Marseillaise retentiront dans le calme de la Clairière.