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Les impolitesses de Serge Aurier et la politesse de Blatter.

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On pourrait à l’infini pérorer sur la psychologie de Serge Aurier, s’arrêter sur ses déconnades avec ses potes, rappeler les têtes de linotte de ces grands enfants gâtés, s’étendre sur l’absence de limites (ce mal qui serait celui des temps présents), sur la gonflette d’un bonhomme soudainement plein aux as.
On pourrait dessiner le profil psychologique du joueur de foot de haut niveau, pleurer sur les valeurs perdues et sur l’éthique bafouée du football d’aujourd’hui. On pourrait mais je ne le ferais pas.

Football français : du côté des quotas (2).

BiBi entame la seconde mi-temps de sa confrontation avec les belles paroles des hauts responsables de la Fédération Française de football. Il s’arrête au rivage de l’impossible « souche française ».

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L’introuvable «souche française».

Ah, ce savoureux dialogue !

Du racisme de l’intelligence envers les « Bleus ».

Zéro de moyenne ?

C’est entendu : il y a des problèmes plus importants que les défaites des footballeurs français mais il est une chose qui frappe BiBi, c’est l’insistance quasi-générale à se moquer du niveau intellectuel de ces footballeurs français, «traitres à la Nation». Étrange cette insistance unanime. Bizarre cette polarisation sur leur (supposée) ignorance crasse. Même les amis de BiBi s’y sont mis… Mais pas que.

Florilège.

Richard de Meudon la Forêt, premier auditeur du «Téléphone sonne» sur France Inter (lundi 28 juin), va plus loin. Il demande, plein de morgue, un «stage d’expression orale» pour rendre «compréhensible le discours des joueurs pour l’ensemble de la population française». Michel Cymès, médecin, animateur du Magazine de la Santé sur France Info, voudrait «soumettre les joueurs de l’Equipe de France à un test de QI».

Ces joueurs sont quasiment ravalés au rang de l’animalité : «Au pire, ce sont des bêtes solitaires et dangereuses» (Jean-François Pradeau, philosophe). Pas loin non plus d’être des décervelés : «Footeux capricieux et milliardaires» qui nous offrent des «prestations sans scrupule ni morale» (Serge Moati). Philippe Sollers y va aussi de son cynisme de dandy et évoque à leur propos un «festival de vulgarité et d’injures», de «disputes de petits chefs rapaces». Claude Askolovitch, lui, voit en eux «des enfants trop riches et trop gâtés» (a contrario, le JDD, journal où il écrit, offre à Michel Pébereau, grand patron, philosophe devant l’éternel, une rubrique sur la Science-Fiction sans sourciller).

Continuons : Denis Masseglia, président du CNOSF, lance que les « joueurs sont pour la plupart, déconnectés des réalités». BiBi avait relevé dans une de ses Flèches les louanges de Denis Masseglia par le Figaro : «Denis Masseglia veut faire rentrer le Monde de l’Economie dans le Sport sous forme de mécénat». Pas déconnecté des réalités, ce Monsieur. Est-il plus intelligent pour autant ?

Non seulement, le joueur de l’Équipe de France est ignare mais il ne travaille pas : « L’élève se trompe. Il n’a travaillé ni en CM2, ni en 6ième… et ainsi de suite jusqu’à la Terminale» (Guy Roux, Libération du 20 juin). Plus loin, l’éditorialiste s’en prend à ces joueurs gâtés en leur accolant le qualificatif d’«autistes», indécent qualificatif qui n’offusque personne.

Les Courtisans et les Ignares.

On a assisté à un défouloir généralisé non sur le pauvre jeu de cette équipe mais sur des attaques de personnes (ici sur leur cerveau – ou sur leur capital culturel pour parler bourdieusement). Étrange unanimité qui interroge BiBi. Ces Ignares en bleu seraient-ils des non-citoyens ? Faut-il qu’ils parlent le Langage de Cour pour avoir une existence agréée ?

Autres questions : n’y aurait-il pas derrière ces anathèmes et ces moqueries en-veux-tu en voilà, un racisme latent, insidieux, de la part de ceux qui se sentent d’une «essence supérieure ». Bourdieu caractérisait ce racisme de « racisme de l’intelligence » (lire son dernier chapitre de «Questions de Sociologie». Éditions de Minuit) distillé par ces Intellectuels-Censeurs.

La déferlante du Mépris.

A traiter l’autre – le Différent-de-Soi – de «con», on dit aussi (surtout) que l’on ne l’est pas soi-même. Que Ribéry fasse dix fautes de français pour s’exprimer, soit. Et alors ? Que certains joueurs aient eu des propos malheureux, des postures très critiquables, soit… mais faut-il  pour autant s’en moquer sans limites… eux qui n’ont pas le même capital culturel et scolaire que le «nôtre». Cette vision déferlante méprise extraordinairement les gens aux trajectoires sociales inédites et aux ascensions sociales fulgurantes (lire par exemple ce qui a été écrit sur celle du joueur emblématique qu’est Anelka, venu de Trappes et richissime à 18 ans).

Un déficit de pensée.

Derrière ce ressentiment brutal envers ces « illettrés» qui ont quand même «réussi», derrière ces dépits rageurs contre ces «enfants gâtés» ou contre ces «caïds immatures» issus évidemment des éternelles «classes dangereuses», BiBi y voit plutôt un… dangereux déficit de pensée.