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A propos de « La Loi du Marché » de Stéphane Brizé.

Luc Boltanski

Disons-le net et précis : la fiction cinématographique de Stéphane Brizé m’a laissé perplexe. Avant tout développement, soyons clair et ne transigeons pas là-dessus : les Droits de la Fiction sont imprescriptibles. «La fiction n’est pas seulement un droit – le droit de penser – c’est aussi un moyen de penser» (Leslie Kaplan) et faire une œuvre c’est «matérialiser une pensée, un concept ou une émotion à travers un médium» (Abbas Kiarostami). Stéphane Brizé a donc bien matérialisé sa pensée via son film La Loi du Marché. Aussi ici, que puis-je faire d’autre que de m’y arrêter et de l’interroger ?

Revoilà notre Président Bling-Bling !

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Notre Président a toujours été fasciné par le luxe et par l’or qui brille. Il se coiffe chez Alexandre Zouari, (le coiffeur des stars); il adore ses montres (la Pateck Philippe en or gris sur alligator 45 680 euros, la Rolex Daytona 61 870 euros). Et ses amis (Bernard Arnault, Bolloré, Alain Minc, Arnaud Lagardère, Paul Desmarais, Antoine Bernheim) ne sont pas spécialement des prolos.

Mais Nicolas a beau faire, il a beau vouloir écouter ses Stratèges de la Communication payés à prix d’Or – 10000 à 15000 euros l’heure (1) – la Pulsion Bling-Bling revient, têtue, insistante. Un manque. Une drogue. Bourdieu dirait : «Un habitus de classe».

Sarkozy dans de beaux draps ?

The Sun et la Tribune de Genève ont jeté un pavé dans la mare : pendant les deux nuits du G20 à Cannes, Nicolas aurait dormi dans la suite à 38000 euros (la nuit). Pour faire connaissance avec le Majestic et sa Suite Top-Niveau, par ici la visite !

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Visite guidée de la suite Majestic par Europe1fr

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Louvrier besogneux.

Les Médias français, eux, restent timides (ou étrangement silencieux) sur cette affaire. C’est que depuis les changements dans la stratégie présidentielle (de Président bling-bling, Nick est «devenu» le Sauveur de la Grèce et le Protecteur gaullien du bon peuple français), on ne parle plus guère de ces élans sarkozystes.

Mais comme la rumeur enflait dangereusement, Franck Louvrier est monté au créneau pour dire que «Non, non, ce n’est pas vrai. Sarkozy s’est seulement pris une chambre à 3500 euros». Hop ! Derechef, on publie le démenti élyséen et l’affaire est enterrée. Il doit pourtant être aisé d’interroger le personnel du Majestic pour avoir la vérité (le Majordome par exemple). A moins que… chuttt !

Enterrée ?

D’abord, s’interroge BiBi, faut-il s’étonner que notre Président prenne une suite au Majestic alors qu’il bouffe toutes les semaines au Bristol, qu’il s’amuse au Fouquet’s et qu’il se dore au soleil du Yacht Bolloré ? Ensuite, rappelons que le Majestic appartient à un de ses meilleurs amis (DéDé Desseigne (2) qui l’a aidé à l’ascension 2007. Faut-il encore s’étonner que Sarkozy dans la même semaine donne la Légion d’Honneur à l’épouse de Paul Desmarais (3), financier canadien, beau-père de Eric Le Moyne de Sérigny, homme de l’Ombre d’Eric Woerth ?

L’Amitié, c’est beau et c’est sacré.

Sarkozy a toujours été fidèle en amitié et ses amis le lui rendent bien. Ils savent que Nicolas compte ses sous et qu’il adore… ne rien débourser. C’est le site Arrêt sur Images qui avait tiré le premier : «Que ce soit sur le yacht Bolloré, en Egypte (Louxor), en Jordanie (Aqaba), au Maroc (Marrakech), au Mexique (sur la cote de l’Etat de Jalisco) ou aux USA, Nicolas Sarkozy n’a jamais payé ses vacances et s’est fait inviter par les autorités (ou par de mystérieux entrepreneurs dans le cas du voyage au Mexique)»

Aussi il est très possible de DéDé ait invité GRATUITEMENT Nicolas Sarkozy à disposer de la suite (chacun connait son gout du luxe et son émerveillement devant le Veau d’Or)

Hypothèse possible car Dominique Desseigne, DéDé-le-Roi-du-Lobby-du-Jeu, peut remercier Nicolas. Il a en effet bénéficié de l’aide d’Eric Le Moyne de Sérigny (bis) et d’Eric Woerth (4) pour les mesures pro-lobby du Jeu (5) qui l’ont considérablement enrichi…. (jusqu’à pouvoir acheter le Majestic !) Une belle amitié, assurément !

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(1) Comme le soulignait un Tweet-BiBi : «On ne peut pas confondre le salaire de Louvrier avec le salaire de l’ouvrier».

(2) Sur Dominique Desseigne lire http://bit.ly/a5e8DE
(3) Sur Paul Desmarais, inconnu du public mais sans lequel Nicolas n’aurait pas été celui qu’il est, lire ici le coup de pouce à l’ascension de Nick. http://bit.ly/9IS5r6
(4) Sur l’importance des deux Eric… http://bit.ly/cZckxR
(5) Sur les ficelles du Jeu http://bit.ly/9CnBVe

Ou lire encore : http://antennerelais.canalblog.com/archives/2011/11/08/22615720.html
et http://lepuddingalarsenic.blogspot.com/2011/11/sarkozy-magestic-fillon-falcon-down-et.html

Godard, Kiarostami : cinéastes singuliers.

Ils sont apparus furtivement dans nos lucarnes, tard le soir, fuyants, toujours aussi énigmatiques. Jean-Luc Godard a laissé son petit monde cannois en plan fixe et Abbas Kiarostami s’est réfugié derrière Juliette Binoche, la laissant s’expliquer avec les journalistes présents au Festival (elle finira par adopter le style Kiarostami : se taire tout en -se- donnant à voir).

BiBi se souvient avoir visionné un documentaire sur le réalisateur iranien et il avait admiré son intelligence dans ses tentatives d’explication (moins sur ses prises de vues que sur ses… points de vue). Aujourd’hui, BiBi a retrouvé d’autres traces dans les pages de la revue Politis du 20 mai :

«Toutes les souffrances, toutes les pathologies humaines prennent leurs racines dans une absence de regard. C’est parce qu’on n’est pas vu que l’on souffre. C’est aussi pour cette raison qu’on crée. L’art, comme la vie, a besoin d’être vu. S’il n’est pas vu, l’art est une chose morte. La seule façon d’insuffler de la vie à une œuvre, c’est de poser son regard sur elle ».

Un extrait qui fait écho à cette autre interview de Kiarostami réalisée par Shahin Parhami (Hors-Champ. juin 2004) :

« Il faut déjà avoir digéré ce que l’on a lu ou appris avant même de débuter un projet artistique. Si l’on a vraiment compris une théorie, un concept ou une philosophie, ils vont apparaître subtilement dans notre travail. Une réaction rapide et émotive contre un événement social ou politique réduit le film au niveau d’un journal avec une date de péremption. Quand ces mêmes événements complexes se transforment ou finissent, le film devient sans valeur aucune. Si le cinéaste crée un film avec des idées crues, non digérées en tête, le film devient un slogan animé. Je crois que le véritable art doit être éternel » Clap, clap, clap ! Voilà BiBi qui applaudit à deux mains.

De Jean-Luc Godard, BiBi retiendra ces quelques phrases qui ne font effet qu’une fois la revue refermée (Les Inrocks du 12-18 mai) :

«L’œuvre dans son ensemble, le Grand Œuvre, ça ne m’interesse pas. Je préfère parler de cheminement » ou encore… dans ses rapports conflictuels à Truffaut (dont il n’aimait pas beaucoup les films) : «Vous savez, le plus difficile, c’est de dire à un ami que ce qu’il fait n’est pas très bon. Moi, ça me manque ». En conclusion très touchante, le voilà qui avoue : «Quand on est vieux, l’Enfance revient ».

Pour ce qui concerne plus directement les aspects socio-économiques du Cinéma, les deux réalisateurs ne seront pas surpris d’apprendre que dans certains pays (comme la Norvège), la disparition des projections classiques sera complète à la fin de l’année. Il y a été calculé que, très vite, 2 voire 1% des films occuperont… 99 % des écrans (Avatar et sous-avatars). Dans le journal Le Temps, le journaliste Thierry Jobin précise que «le Numérique ne va absolument pas militer pour la diversité». Écran totalement noir sur nos prochaines nuits blanches ?

En tous les cas, BiBi espère  que les deux films («Copie Conforme » et «Film Socialisme») viendront quand même s’échouer sur ses écrans.