Trieste : la ville de James Joyce.

Musée JOYCE

Je me souviens avoir lu «Ulysse» de Joyce. Ma rencontre avec Bloom, c’était dans les brumes de l’adolescence. Je m’étais dit : «Wow ! Quel culot ce Joyce» : ça partait à droite, ça déboulait à gauche. Dans l’écriture de l’Irlandais, des sens giratoires qui passaient par-dessus des sens interdits. Une écriture débarrassée de tout complexe. Une écriture ulysséenne.

«Toujours quelqu’un qui surgit auquel on ne pensait guère. Un type pourrait vivre dans son coin tout seul toute sa vie. Oui il pourrait. Mais il aurait tout de même besoin de quelqu’un pour le descendre dans le trou qu’il aura pu creuser lui-même. Nous le creusons tous. Il n’y a que l’homme qui enterre». 

J’avais à peine vingt ans et relisant aujourd’hui, mes passages soulignés, je gardais sa phrase : «Toujours quelqu’un qui surgit auquel on ne pensait guère». C’est à mon passage à Trieste que Joyce a resurgi.

Sarajevo : tram sur la ville.

Quand tu t’apprêtes à entrer dans Sarajevo, tu es déjà envahi par le signifiant SA-RA-JE-VO si chargé d’histoire. Sous la pluie, tu regardes les lignes de crête tout autour en te disant que vingt ans après la guerre, les collines, débarrassées de snipers, ont de bien doux arrondis.

VENISE : ENTRE LE JOUR ET LA NUIT.

 

 Tu pars en voyage. Et le dernier geste que tu fais sera d’arpenter tes étagères pour trouver des petits livres, pas trop lourds, des livres qui te tiendront compagnie dans les temps creux de ton odyssée. Celui de Pablo de Santis, écrivain argentin («La traduction » chez Métailié) t’a été utile. Tu as retenu ce passage : « Une journée en voyage est comme une vie en miniature : des rencontres, des séparations, des adieux. Dans la vie réelle, on met des années à devenir l’ami de quelqu’un ; en voyage, une conversation de quelques minutes suffit ».

Ainsi de ta rencontre amicale avec Paul.

« Elle me disait… (23) ».

DDD NN

Un jour nous avions pris le train ensemble. Pour  rejoindre je ne sais plus qui, je ne sais plus où. C’était la première fois, pour elle, pour moi. Sur la banquette du compartiment, mes pieds ne touchaient pas le sol. Nous avions eu peur au démarrage du train et plus encore lorsqu’il fut à grande vitesse. Je serrais très fort sa main. Nous avons parlé tout bas du futur, de quand nous serons vieux, du corps que nous aurons, des rides que j’aurais, des vergetures qu’elle aura (elle m’assura que les hommes les confondent avec des initiales inconnues). Je n’osais demander ce qu’étaient des «vergetures» et je fis mine de comprendre en hochant bêtement la tête. Elle avait surtout insisté pour parler des forces qui manquent à tous les corps usés par la vie. Je lui ai demandé comment elle savait tout ça et d’où lui venaient tous ces sujets de conversations. Le bruit du train sur les rails, grincements à l’arrivée, avait couvert sa réponse.

Je me souviens qu’à la sortie de la gare, trois jeunes garçons bien nippés étaient montés dans un taxi et que de rage, elle les insulta. «Un jour, c’est sur, j’écrirais un livre». Je n’osais l’interrompre. «J’écrirais sur ces injustices fondamentales». Elle me fixa durement: «Ne comprends-tu pas ? La marche à pied pour nous. Le taxi pour eux». Et pendant les kilomètres qui suivirent, elle parla surtout au vent, aux arbres, au blé qui ondulait délicieusement dans les champs.

Train

Ma dernière semaine sur Twitter.

Et vous croyez

Tweet-BiBi :«Et vous croyez que ça va m’aider de crier :«On ne lâche rien»?

A ceux qui me reprochent mon humour (ou mon peu d’humour?), je réponds imperturbablement qu’ils se trompent. Je ne fais pas vraiment de l’humour. Je fais, j’essaye de faire (et de défaire) de… la politique, l’humour n’étant que cet arbre qui cache la forêt dense de l’Economique et du Politique. Ceux qui l’entendent de la meilleure des façons rient, sachant qu’au fond, le lien social (donc politique) est en jeu dans chacune de mes incises. Ils rient gaiement jusqu’à ce qu’une grimace leur barre les lèvres.

D’où – derrière l’humour – ce fond indissociable de la désespérance. D’où cet axiome revendiqué, cette dénomination s’alignant sous mon avatar Twitter que je suis/serais toujours cet «optimiste de plus en plus inquiet».

Celle qui me double souvent l’a bien compris lorsqu’Elle lâcha cet aphorisme : «Derrière ton sourire horizontal, ta tristesse verticale».

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