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Garrido-Corbiere : une calomnie très au Point.

Lorsque les médias moutonniers avaient propagé – sans le temps de la vérification – la nouvelle de la pseudo-arrestation de Dupond Ligonnès à Glasgow, suivant aveuglément en cela la fierté de notre police d’investigation, on pouvait encore en rire. Un peu moins cependant lorsque – bis repetita –  une journaliste de France Inter et nombre de ses confrères se faisaient les porte-paroles de Castaner dans l’épisode de La Salpêtrière, proférant sans attendre un lot inimaginable d’insultes contre les gilets jaunes.

Avec l’énorme affaire du Point et de son journaliste Aziz Zemouri, nous avons quitté la préhistoire pour entrer de plein pied dans l’ère institutionnalisée de la calomnie.

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Quid de ce tremblement de terre ? Des effets durables, inexorables, inoubliables ? Hélas non, car, une fois ce week-end passé, toutes ces secousses médiatiques seront neutralisées. Ce sera le retour au calme plat dès la semaine prochaine : comme souvent, c’est cette inertie qui constituera alors la plus grande des censures. Ce n’est donc pas encore demain qu’on jettera aux oubliettes les neufs milliardaires des Medias et leurs sous-fiffres rédactionnels.

Je me dépêcherai donc d’écrire ce petit billet pour que quelque chose reste dans ce laps de temps et accroche quelques lecteurs et lectrices du blog. La bataille Garrido-Corbière tombera dans l’oubli, elle sera perdue (mais pas la guerre, hein ?). A l’Oubli, s’ajoutera l’autorégulation des médias dominants qui savent introduire dans leur discours ce qui les nie et ce qui les met en cause. C’est que le Capital réussit quasiment toujours à boucher les interstices, à parfumer en Chanel les égoûts les plus nauséabonds. Ce n’est evidemment pas une raison pour que je n’y ajoute pas mon grain de sel, que je ne tire pas une flèche de BiBi.

Faire le Poing.

Jusqu’à aujourd’hui, on avait une frange du lectorat du Point qu’on pouvait classer en cadres-de-leur-temps qui avaient su discipliner un fascisme libéral en libéralisme bon enfant. Pinault chiraquien était finalement un bon bougre qui aimait les pommes et Bernadette. Mais depuis la poussée d’une Marine Le Pen dédiabolisée, les lecteurs-récepteurs lambda du canard-laquais sont prêts à tout avaler.

Cet assujetissement d’un lectorat en rut consommatoire de scandales, cette flopée de lecteurs gloutons ruminant leur passage au RN sans problème, cette ingurgitation de normes fascistoïdes ne seraient guère possibles sans le concours et la solidarité des rédactions amies et concurrentes. Evacuons vite fait le contresens de « Journalistes, tous pourris » et levons nos verres aux précaires, aux derniers va-nu-pieds de la presse, à cette infime minorité qui se bat – vaille que vaille.

Non, ceux mis en cause sont cette cinquantaine de pisse-copies en col blanc, ces sommités de papier hygiéniques, ces crevards en écran 16/9 et ces modérateurs-animateurs du type Grandes Gueules.

Unanimité hiérarchique.

J’ai remarqué que, jusque dans cette fange médiatique il y a encore une hiérarchie. Le premier de tous ces menteurs repérés sur les réseaux sociaux fut un certain Paul Denton qui court après un poste de grand média (53000 abonnés Twitter. Pas rien). Ce fut lui qui donna le coup d’envoi de la ruée (dans le mensonge) et sonna le début de la chasse du jour. Dans son tweet, remarquons qu’il n’y a ni conditionnel, ni guillemets, ni vérification, ni attente pour exposer les « faits ». Son habitus anti-Gauche qui explose illico après la parution de l’article, fait déjà corps avec le mensonge du Point.

Le second, Eric Revel, ex-journaliste du Parisien-TF1, invité des chaînes et radios de la honte (ce matin encore à Sud-Radio).

Bien entendu, ne sont pas en reste nos grands intellectuels de droite, pignoufs colorés et mâtinés de couleur brune. Oh ils ne se sont pas donnés le mot, ils ne se sont pas téléphoné : nul besoin. La haine des Insoumis et de la NUPES leur a suffi pour jeter leurs tweets orduriers à vitesse supersonique. Ils le tenaient enfin leur os à ronger ! Ils ne l’ont pas lâché, ils s’y vautreront même avec un enthousiasme incroyable. Le Climax. L’Extase. Deux jours. Le temps de faire jaillir les eaux de la Vérité. Le temps de supprimer leurs tweets.

Inventaire du haut-du-panier.

Raphaël Enthoven, Caroline Fourest de LCI (La Chaîne Immonde), Claude Weill (Lobs). Une chose frappe dans ce concert unanime, c’est la hargne, l’insulte, l’acquiescement sans limite si semblables aux insanités proférées par les tweetos fascistes. Ce sont désormais des tunnels à ciel ouvert, des autoroutes de l’obscénité qui relient les uns aux autres.

A un tweeto qui tentait de minorer l’avis de ce nullard d’Eric Naulleau et tentait de me mettre de son côté, je lui rajoutais cet autre tweet de calomnie :

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La presse économique, elle aussi, ne voulait pas rester en queue de peloton. Dans l’enthousiasme, nous avons Emmanuelle Ducros de L’Opinion (voir capture plus haute). Allons plus avant : voila Géraldine Woesner du… Point, Marion Van Rentherghem de L’Express et Eugénie Bastié du Figaro/ CNews. Cette dernière avouera avoir fait « confiance » au Point, ayant trouvé de tout temps que cette feuille de chou d’extrême-droite avait été « une source fiable ». Ah cécité idéologique, quand tu nous tiens !

Les excuses.

D’abord celle (défense de rire) de la directrice du Point, excuses faisant suite à celle d’Etienne Gernelle. Géraldine Woesner est ainsi présentée (Linkedin) : « Géraldine est une journaliste de talent, déterminée et organisée. Elle possède un excellent sens du contact. Elle a également un très bon carnet d’adresses ». Une responsable au plus haut… point écrit sans ciller que l’article paru dans son hebdo – avec son aval – est… « ahurissant » !

Mais le tweet qui résume bien cette pauvre stratégie des « excuses » c’est celle avancée par Benjamin Sire, journaliste à Franc-Tireur, qui nous délivre un tweet de haute volée. Ce seront quatre lignes aux magnifiques éléments de langage qui – à peu de choses près – sont les mêmes que ceux de la journaille de la presse des milliardaires. Des « excuses » via lesquelles il tente d’enfumer l’opinion. Bascule finale de ce chien de garde : il nous faudrait… « louer » le courage de ses collègues… Nous pouvons donc vomir.

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Je laisserai le dernier mot à une de mes abonnéee Twitter qui dit l’essentiel à Géraldine Woesner, journaliste en chef du Point, « pigiste » quotidienne chez ce mollusque de Pujadas.

A propos d’«Ecritures carnassières» le livre d’Ervé.

Arrêt-bibi sur le livre d’Ervé, clochard céleste qui « taquine la rue », perdu et retrouvé, retrouvé et perdu avec pour balises essentielles la tristesse, la mélancolie, la rage contenue, deux poumons, un coeur amoureux et 147 pages.

Solitude, premier constat.

Le premier constat intime d’Ervé est rude, sans fioritures et sans pitié. « Aucune odeur paternelle. Et aucun souvenir de tendresse féminine. Comment se construire donc sur le néant ? »

Cela m’a instantanément rappelé le voyage de Françoise Dolto au Brésil où elle faisait remarquer à d’autres psys que les enfants des rues de Rio, orphelins, s’en sortaient plutôt beaucoup mieux que d’autres, ayant très tôt appris à vivre sans père ni mère. Leur trajet de Vie, dès lors sans confrontations et heurts oedipiens, leur laissait cet espace à chercher ailleurs pour ne pas mourir.

C’est donc par l’Enfance, tiroir princeps de ses souvenirs, que tout commence ici. Comme dans la chanson qu’Etienne Daho chante et qu’Ervé aime bien. «Les premiers jours de ta vie».

Premières lignes : ni dissertation, ni bavardages.

Pour emprunter ses chemins de fuite et de roublardise, Ervé a trouvé les mots… les siens. D’emblée, son écriture écarte tout chichi, rompant avec toute joliesse, fuyant les angles arrondis, les arabesques et les alibis esthétiques. Juste des notations simples et précises, beaucoup plus efficaces que de «grandes pensées». Son «Je laisse les mots courir pour moi» me rappelant un éclair de l’écrivain-chroniqueur Georges Haldas : «Ce n’est pas moi qui pense. Des pensées me traversent. Dont je suis le premier surpris». Sur sa lancée, Ervé se définit comme «scribe extérieur» mais là c’est un premier petit «mensonge» car tout lecteur découvrira qu’Ervé est, au contraire, tout présent à son écriture et que jamais, dans ses pages, il ne perdra cet essentiel contact avec soi.

Premiers moments matinaux.

Un va-et-vient, une oscillation au réveil, entre deux souffrances : celles inutiles mais présentes et celles créatrices à venir (dans un livre lointain, encore inimaginable). Et pour qu’Ervé puisse dire, puisse surmonter les seules souffrances (inutiles), le voilà qui balance ses mots en jets discontinus, en raccourcis saisissants, tous bruts de décoffrage. Mais, ne pas se méprendre, le contact d’Ervé avec soi n’est jamais un repli égoïste, maniéré, tel l’egocentrisme des écrivaillons modernes qui pullulent hélas aujourd’hui.

Une fois encore, Ervé ne disserte pas, il ne bavarde pas. Il tente de traduire le texte original de son enfance perdue, sachant, au fond de lui, que sa réécriture l’occupera toujours, bien au-delà même de son livre.

Une écriture proche de la rigueur.

Une écriture à mille lieues de la rigidité. Plutôt proche de la rigueur avec cette construction par petits chapitres multipliés (une cinquantaine), aux titres à la Burroughs, avec une multiplicité d’épisodes livrés en vrac mais pas forcément dans le désordre temporel : épisodes de rencontres, d’affrontements, temps bienfaisants de solitude, d’amitiés brèves mais intenses, souvent inexorablement perdues.

Premiers refuges.

En écho-bibi, une similitude troublante (ce ne sera pas la seule) avec la destinée d’un jeune connu en Foyer d’Enfance où je travaillais. J’avais noté dans mes carnets d’éduc : «Le désespoir dans ses yeux lors de la visite de sa mère. Ne viens plus. Ne viens plus M’man, implorait Marvin. Au départ de sa mère, il saute le mur et part à nouveau en forêt. Revient une heure après, apaisé». Un Marvin, qui, lui aussi, partait à la recherche de cet «Arbre Bleu» tout réel dans l’imaginaire d’Ervé.

Premiers baisers. Premières dettes envers un éducateur et un veilleur de nuit qui le laissent écouter la radio sous l’oreiller. Premières amitiés, celles prioritaires, obligées au Foyer (Ben, Krystof, le garçon punk…)

L’Enfance comme marque.

Ni père, ni mère. Du coup, Ervé montre sa débrouillardise – mais pas celle, consolatrice et rêvée, propre aux faux rebelles petits-bourgeois. Une débrouillardise qui a affaire avec/contre ce «tatouage permanent» dont on ne se défait jamais, tatouage signalé par ces trois flèches : «Cas social tu es, cas social tu restes. Comme gravé sur le front. Ma plaie de naissance». Un clou fiché en plein cœur et en plein corps. Donc une «débrouillardise» bien éloignée d’un détachement serein. C’est qu’Ervé est ailleurs, dans ce monde réel, arpentant ses trottoirs et ses sentiers malodorants. Ervé est à plein dans la misère, cette « Madame la Misère » que chantait Léo Ferré, cette misère, ennemi indéboulonnable qui te surplombe où que tu sois («On a beau la connaître et s’y être baigné, l’odeur de la misère reste sans nom»).

Des friches et un trio.

C’est dans ces friches que le scribe Ervé taille à la serpe. Avec ses mots comme des morsures, sous le regard canin de son Croisepattes, avec des mots qui affolent les boussoles et les compteurs. Des mots : ceux de l’Amour pour ses filles, ses deux poumons et ceux pour Claire («Je n’ai jamais su t’aimer à ta juste valeur puisque j’en suis incapable») mais (t’exagère, Ervé) c’est un Amour transfiguré, porté à incandescence, petite bougie impossible à souffler même si l’errance perdure. Non, Ervé tu n’es pas si «minable sur le sable» puisqu’elles te liront toutes trois. Trois : tes deux poumons (tes deux filles), poumons si près du cœur qu’ils (elles) sauront à te lire que, tout bringuebalant que tu es, tu tiens – malgré et envers tout – debout en paternel. Debout, bien debout et pas qu’un peu.

Et en trois, Claire autre lectrice, probablement toute aimante à ce que tu écris d’essentiel en un seul prénom, le sien. Et même plus encore, en un diminutif éclairant, incontournable pour toi : « Je t’aime Clairette… à ma façon ».

Et sache, Ervé, que tout lecteur, toute lectrice aimera assurément ton livre.

Chacun, chacune, bien entendu, à sa façon.

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ERVE. Ecritures Carnassières. Collction « A Vif ». Chez Maurice Nadeau.