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Le quart d’heure est passé mais ça dure encore.

Des fois, plus envie de rien. Le blog ? Une cochonnerie.

Enquête sur une image de Nathalie Kosciusko-Morizet (2).

Lire première partie : Enquête sur une image de NKM (1).

Hier Secrétaire d’État, aujourd’hui Ministre de Sarkozy, NKM fut prise en photo à l’automne 2005. Enceinte, elle était alors en pleine ascension politique. Paris-Match lui ouvrit alors les bras et cette double-page ahurissante.

FEMME SIMPLE ET FEMME DE POUVOIR.

1. Un mot sur cette légende : «Son premier bébé, c’est la politique». Cette phrase vient rappeler que NKM n’est pas n’importe quelle Femme. Elle est porteuse de bébé et… de projet politique. Quelle femme (ordinaire) peut en dire autant, hein ?

2. Elle est donc une femme parmi toutes les femmes : elle procrée, elle joue de sa beauté – robe blanche, un quasi-déshabillé, pieds nus adorables, une position relâchée, sans ostentation, non lascive. Attention, elle est plutôt le contraire de la Femme à l’Odalisque malgré les similitudes (voir tableaux en photos ) ou de la Putain berbère sur son lit (Matisse). La chevelure mi-bouclée est admirable, au coloris roux…en parfaite communion ainsi avec les couleurs de la forêt automnale : marron des livres, gris-vert du banc de pierre, bois patiné de la Harpe.

3. Mais NKM, Secrétaire d’Etat, aujourd’hui Ministre, est aussi la Femme de demain, la Femme (de Pouvoir) qui annonce les lendemains qui chanteront pour tous (ou presque tous). Elle est donc singulière et, de fait, au-dessus du lot.

4. L’écrit de Paris-Match détaille les deux statuts de cette femme hors-norme lorsqu’ils lui sont associés : «Députée, Conseillère Régionale» qui va «mettre au Monde son premier bébé» et qui, dans le même temps, continuera sa carrière sans la mettre «en congé maternité». Femme du Présent et du Futur. Femme d’exception : il ne resterait plus qu’à admirer, à se prosterner.

UN CONTEXTE A-HISTORIQUE.

«Une sorte de halte» nous dit-elle. La «Nature» fait ici cliché.

La composition de la photo nous offre une Terre dégagée du poids de toute histoire humaine. Les bois, le feuillage lointain des arbres, le parterre de feuilles signifient le Monde éternel où Musique et Lecture sont là depuis la Nuit des Temps. La Harpe dans son silence fait le joint entre Passé et Présent. Les deux gros livres, l’un ouvert, l’autre fermé sont là pour signifier que Madame lit, Madame rêve en lisant mais elle reste, elle restera les deux pieds (nus) sur terre.

Elle nous dit : «Profitons ensemble de cette incise dans le Temps (ma grossesse l’est) pour penser hors le tumulte sur terre. Laissons au loin les cris des Manifestants, la rage destructrice des Guerriers urbains, la vulgarité des pauvres Femmes du Peuple (bref  la Lutte des Classes) et n’oublions pas que cette halte est une aire pour «partager les réflexions que nous inspirent l’actualité aussi bien que mes différentes missions».

DÉGRADATION.

Dans son livre «Fragments d’un Discours amoureux», Roland Barthes citait «Nous Deux» (le Roman-photo) comme archétype de l’Obscénité.

BiBi caractérisera, lui, cet extraordinaire photographie du Pouvoir comme le cliché de la dégradation lente et latente, bientôt extrême, du Politique.

Roland Barthes : populaire et contemporain (2).

Deuxième partie de l’entretien de Roland Barthes avec le journaliste de l’Humanité, Alain Poirson en 1977. Le magnifique  livre « Fragments du Discours amoureux » au Seuil venait de sortir. L’article avait un titre tout en justesse : « Populaire et contemporain à la fois ». [Extraits 2].

« Il n’y a pas eu beaucoup d’articles critiques consacrés à ce livre… Au reste, est-ce qu’il y a encore une « critique » ? Ce qu’il y a eu, ce sont des demandes d’interviews, des projets d’adaptation (au théâtre), des lettres de lecteurs ; et le livre s’est vendu davantage que mes autres livres, du moins au départ, car je ne pense pas qu’il continuera à se vendre – contrairement à mes ouvrages antérieurs. Il s’agit donc d’un accueil «passionné» et fugace. Pourquoi ? Il y a eu surprise : on n’était pas habitué à ce qu’un intellectuel parle d’une passion et d’une «passion démodée» : romantique, sentimentale qui n’emprunte rien au prestige du sexe, de la contestation etc. »

« Le discours amoureux m’a paru solitaire non par rapport bien sûr à la masse importante des gens qui sont ou ont été amoureux mais par rapport à ce qui intéresse et à ce que disent les intellectuels d’aujourd’hui. Il se peut, en définitive, que l’accueil fait au livre soit l’indice (parmi d’autres) d’un certain changement de l’opinion à l’égard du rôle qu’on attribuait à l’intellectuel, dont on voit bien qu’il n’a plus procuration pour parler au nom de l’universel ».

« Je n’ai pas cherché à tenir sur l’amour un discours sérieux, objectif, exhaustif… Il ne faut pas oublier que c’est un amoureux qui parle – et non un savant, ni même un essayiste, il parle avec sa culture, et sa culture du moment : avec les livres que le hasard lui fait lire ou relire pendant la crise amoureuse et qui viennent «alimenter» son soliloque intérieur. Il ne se force pas à lire des livres «qu’il faudrait lire»… Ni Breton, ni Aragon par exemple. Je ne me sentais pas d’ailleurs «consoner» avec ces discours-là… »

«L’écriture est beaucoup plus exigeante que la parole : elle ne peut compenser les imperfections de l’expression par une action du corps (voix, inflexion, sourire etc). Dans l’espace de parole (celui du cours, du Séminaire), il y a un rapport amoureux diffus, un échange de séductions, de sympathies, d’appels. L’écriture, au contraire, est difficilement amoureuse : aussi, quand elle veut exprimer un amour, elle ne peut le faire qu’en renonçant tragiquement à impressionner le destinataire de cet amour : c’est là un des sens de mon livre».

Roland Barthes : populaire et contemporain (1)

« Fragments d’un Discours amoureux » de Roland Barthes paraît au printemps 1977 aux Editions du Seuil. Le succès est immédiat : 100 000 exemplaires vendus dans l’année. Le 26 mars 1980, Roland Barthes décède après s’être fait renverser par un camion. Entre temps, il avait accordé une interview à Alain Poirson du journal « L’Humanité ». L’article a un titre tout en justesse : « Populaire et contemporain à la fois ». [Extraits].

« J’ai toujours vu les systèmes de pensée comme des systèmes de langage et ces systèmes de langage comme des sortes de tableaux peints, un peu à la façon du voile brillant, coloré, imagé que le bouddhisme appelle la Maya. C’est cela la constante et, pour ainsi dire, l’obsession (…) Mon point de vue a changé, souvent pour des raisons « tactiques« , parce que, à tel moment, je pensais qu’il fallait déplacer le discours ambiant : vers 1960, le discours critique me paraissait trop impressionniste et j’ai eu envie, sur la littérature, d’un discours plus scientifique, ça a été la naissance de la sémiologie…

… Mais cette sémiologie est devenue autour de moi hyper-formaliste et j’ai eu envie d’un discours plus « affectif »; puis ce discours lui-même, sous le poids de la psychanalyse, m’a paru faire la part trop belle au « symbolique« , en traitant l’Imaginaire de « parent pauvre« ; j’ai donc voulu assumer un discours de l’Imaginaire. Il s’agit d’ajustements (…).

« Pour moi, la parole et l’écriture sont largement hétérogènes. Écrire ne consiste pas à transcrire; ça consiste à penser à même la phrase, à produire une pensée-phrase; et la « phrase« , c’est essentiellement un produit écrit, pour le meilleur et pour le pire. Aussi, quand on fait un livre, c’est un peu toute la pensée qu’il faut reprendre au départ : il faut penser de nouveau et à neuf ».

« Nous devons tous écrire plus « populaire« ; encore faut-il que ce tournant, ce changement de pratique et d’image soit vécu intérieurement, non comme un retour simpliste à des formes passéistes, mais comme une pensée nouvelle du moderne lui-même. Quoi qu’on écrive, il faut rester à l’écoute du « contemporain« .

Humeurs des blogs et Marinade de BiBi.

Les bloggeurs se disent fatigués. C’est ce qu’on entend ici et là. Guy Birenbaum en fait un article sur son blog et décrète que les bloggeurs connaissent peut-être la fatigue mais ne sont pas morts.

Pendant ce mois d’Avril, certains bloggeurs se sont inventés des coups de fatigue et nous ont assurés qu’ils allaient désormais devoir espacer leurs billets (pour mieux les structurer ?). Voilà une bonne et vieille fatigue (recette ?) qui permet aux amis de venir en nombre dire « Non, non, ne désespère pas» et ainsi pouvoir… augmenter leur audience.

A la lecture-BiBi des blogs, l’atmosphère blogosphérique semble osciller entre Joie béate et Ennui de dandy.

Un bloggeur dit qu’il va ralentir ses billets, un autre annonce au Monde entier qu’il ferme son blog, un autre affirme avec solennité que le Hit-Parade Twikio va chambouler le classement, un autre continue toujours de backlinker à en perdre haleine et à réclamer en cri de Tarzan « des liens, des liens, rien que des liens ! ».

C’est qu’on a de plus en plus l’impression que les récents mouvements technologiques et politiques (la Guerre Twitter-Google et tutti quanti, les Festivals européens des Blogs, le Wikio new wave etc) cachent en fait une volonté de faire du buzz (en vieux français : « on veut se la péter »). On brode du twitt et on retwitte à qui mieux-mieux, on continue de s’échauffer sur les Classements, on se cite, on se re-cite, on se re-re-cite. En chemin : on s’essouffle et la Singularité des Blogs se perd un peu :  ce n’est certes que l’avis partiel et partial de BiBi mais c’est son avis.

D’autres bloggeurs, plus cools, dressent l’inventaire de ce qu’ils aiment en sept points (revient hélas en boucle unanime cet insupportable «plaisir d’écrire » en numéro Un), d’autres dansent sur les algorithmes, trouvent amusants les Classements de Blogs, valsent sur les places qu’ils occupent, pleurnichent sur celles qu’ils perdent, fanfaronnent discrètement sur celles qu’ils gagnent.

BiBi soupire avec eux : Vivre pleinement l’époque du Fun, ça fatigue effectivement peut-être beaucoup.

Encore une fois, pour BiBi, ce qui le regonfle, ce sont les lectures. Pas tellement les lectures sur écran ( BiBi fatigue beaucoup à y rester trop longtemps – c’est pour ça qu’il ne « linke » pas trop) mais les bonnes vieilles lectures-papier.

Elias Canetti d’abord dans ses « Territoires de l’Homme » : «Les mots ne sont pas trop vieux, ce sont seulement les hommes qui le sont et qui se servent trop fréquemment des mêmes » et Roland Barthes ensuite : « La Marinade : le mot est de Gustave Flaubert. On se jette à un moment sur son lit. On ne fait rien. Les Pensées tournent en rond, on est un peu déprimé. Des marinades, j’en ai souvent mais elles ne durent pas longtemps, un quart d’heure à vingt minutes. Après, je reprends courage ».

Alors pour finir, un salut-BiBi à tous les gars et gâtes de la Marinade.