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Lacan à prendre et à laisser (1).

Les lacaniens vont fêter le 30ième anniversaire de la mort de Jacques Lacan. Même si il n’y a pas de biographie possible – comme en est persuadé Jacques-Alain Miller – BiBi rappellera quand même que Lacan est décédé à Paris le mercredi 9 septembre dans la soirée. Il avait 80 ans et il est mort des suites d’une tumeur abdominale dont il avait été opéré le 2 septembre. Les obsèques du Maître eurent lieu dans la plus stricte intimité.

Dans Le Monde du 11 septembre (!) 1981, Christian Delacampagne parlait de «la magie de son verbe», de «son sens du geste et de l’élocution» et de «son art de conteur». Magie de son verbe : ça dépend sur quel divan on pose son cul et son QI. BiBi a beaucoup ramé pour rire sur les effets-Lacan. Le lendemain de la mort de Lacan, ce furent André Green et Octave Mannoni qui se coltinèrent les articles nécrologiques en fidèles veilleurs du Maître.

Pendant qu’ils dissertaient sur celui qui fit passer son École freudienne à la moulinette un an plus tôt (dissolution en 1980), François Mitterrand rencontrait Margaret Thatcher et on discutait «nationalisations» dans la… Gauche socialiste ! Remarquons encore l’humour involontaire du Monde : au-dessus de l’article sur la mort de Lacan, on peut apercevoir l’entrefilet : « La Comédie intellectuelle« . Hasard sans doute mais hasard objectif : les psys allaient se la jouer (la Comédie) en s’entredéchirant.

On objectait souvent que le style de Lacan était confus, qu’il aurait du écrire comme (ou pour) «tout-le-Monde» pour se rendre plus accessible. Lacan avait déjà anticipé cette critique : «Je n’ai pas écrit mes livres pour tout le monde, pour qu’ils soient compris par tout le monde. Je n’ai pas eu le moindre souci de plaire à quelque lecteur que ce soit. J’avais des choses à dire et je les ai dites». Plutôt réjouissant pour BiBi de ne pas se laisser trop intimider par son Surmoi ! Ce qui doit affleurer et ce qui compte, c’est moins le Un qui se pavane en Société que le Sujet divisé, morcelé, en miettes.

BiBi applaudira donc aux formules tranchantes de la théorie lacanienne sur le Sujet divisé et sur l’Inconscient. Celle-ci par exemple, incontournable (quoiqu’en dise ce pôvre Michel Onfray et ses supporters) : «L’inconscient est structuré comme un langage». Mais BiBi soulignera la pauvreté de son style (qui sidère les fidèles). Mettez James Joyce ou Maurice Roche à côté : question fulgurances et rire qui fusent, y a pas photo. BiBi peut alors corriger quelque peu son titre : «Lacan : à prendre, oui. A lester : surement».

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Pour BiBi, un des seuls psychanalystes à avoir parlé justement de Lacan reste Daniel Sibony. Voilà un choix qui ne fera pas forcément plaisir… à tout le monde (…des psys). Sibony rappelle à juste titre: «Lacan affichait le fantasme d’une «transgression intégrale» de la doctrine, et ce grâce à quelques objets mathématiques érigés en fétiches et à un curieux discours où la rigueur porte sur le flou (ce qui a des effets hypnotiques). (…) Or une «transmission intégrale», c’est la folie de la transmission ; les héritiers se sont d’ailleurs affolés. Et le grand mérite de Lacan, le seul à mon sens, celui d’avoir introduit Freud, il le fit payer très cher à ses émules en les réduisant pour longtemps au statut de fils morts ou mortifiés».

De l’œuvre de Lacan, «on peut en prendre de la graine pour justement ne pas rester dans ce sillage : trouver son propre souffle, ses inconnues, ses lieux d’échange ; porter son énigme aux confins de l’être plutôt que de s’en servir pour fasciner certains êtres». (in «Du Vécu et de l’Invivable». Psychopathologie du Quotidien, pages 199-214)

En écho, on sait aussi que Dame Dolto allait jusqu’à dire qu’il est incompatible d’être analyste et affilié à une institution, «façon de rappeler que la croyance à l’inconscient tient lieu de lien et de filiation». BiBi serait plutôt à accorder plus d’importance aux rencontres effectives qu’aux célébrations (même si celle-ci en est aussi une – indirecte 🙂 !).

A suivre.

Ces écrivains qui nous aident à vivre.

C’est important de prendre appui sur Ceux qui ont écrit des choses que vous ressentiez. Inestimable est le soutien silencieux et désintéressé de ces Ecrivants  qui mettent en mot ces courants qui vous traversent et ce, beaucoup mieux que vous ne l’auriez fait vous-même avec votre pauvre langage.

Il est des Ecrivants qui lisent en vous : ils n’ont guère besoin de vous suivre, de vous épier. Ils sont là, ils vous regardent tranquillement et tout, du premier à leur dernier mot, vous touche, vous berce, vous perce, vous renverse.

Octave MANONNI.

« Une expérience a été faite sans qu’il la comprenne, par De Quincey. Il raconte qu’à un moment donné, il fréquentait une église où se trouvaient seulement des Espagnols et où, par conséquent, on ne parlait qu’espagnol, langue qu’il ne connaissait pas. Il s’y rendait uniquement pour le plaisir d’entendre cette langue. Cela provoquait chez lui une émotion qu’il ne pouvait expliquer.

Je considère que des expériences de ce type rappellent un moment de la petite enfance ; en effet notre langue maternelle a été pendant une certaine période un pur jeu linguistique pourtant plein d’obscures promesses de sens.

C’est pour cette raison que certains lecteurs éprouvent de l’intérêt pour des poèmes qu’ils ne comprennent pas, comme ceux de Mallarmé, mais dans lesquels ils retrouvent continuellement cette promesse de sens qui, n’ayant jamais été complètement tenue, laisse goûter le jeu des signifiants, jeu comparable à celui de la musique certainement, pas à cause de sa sonorité mais à cause de ce qu’il présente comme combinaisons, rencontres, répétitions, rappels et oppositions ».

Georges HALDAS.

1. « Ce n’est pas ce qu’on écrit qui compte. Nos livres, en effet, avec le Temps – et même bien avant – deviennent poussière. Ce qui compte en revanche c’est tout ce qu’en les écrivant on découvre : de nous-mêmes, des autres, du Monde et surtout de la Vie. »

2. « Lire vite, quand il s’agit d’un texte inspiré, est une maladresse et une profanation. Maladresse, parce que la rapidité ne permet pas de s’en nourrir (comme pour un repas), ni de l’assimiler. Et profanation parce que cette même rapidité est une offense à celui qui a inspiré le texte. Et qu’on n’accueille pas comme il faudrait, avec l’attention et le respect qu’il faudrait. C’est en fait empêcher la Source de pénétrer en nous. »

Elias CANETTI.

« Il n’y a rien qu’on sache tout de suite ; quand on a l’impression de savoir quelque chose tout de suite, c’est qu’on l’avait appris longtemps auparavant. Ne vaut que le savoir qui a vécu en nous secrètement ».

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