Tag Archives: Elias Canetti

Humeurs des blogs et Marinade de BiBi.

Les bloggeurs se disent fatigués. C’est ce qu’on entend ici et là. Guy Birenbaum en fait un article sur son blog et décrète que les bloggeurs connaissent peut-être la fatigue mais ne sont pas morts.

Pendant ce mois d’Avril, certains bloggeurs se sont inventés des coups de fatigue et nous ont assurés qu’ils allaient désormais devoir espacer leurs billets (pour mieux les structurer ?). Voilà une bonne et vieille fatigue (recette ?) qui permet aux amis de venir en nombre dire « Non, non, ne désespère pas» et ainsi pouvoir… augmenter leur audience.

A la lecture-BiBi des blogs, l’atmosphère blogosphérique semble osciller entre Joie béate et Ennui de dandy.

Un bloggeur dit qu’il va ralentir ses billets, un autre annonce au Monde entier qu’il ferme son blog, un autre affirme avec solennité que le Hit-Parade Twikio va chambouler le classement, un autre continue toujours de backlinker à en perdre haleine et à réclamer en cri de Tarzan « des liens, des liens, rien que des liens ! ».

C’est qu’on a de plus en plus l’impression que les récents mouvements technologiques et politiques (la Guerre Twitter-Google et tutti quanti, les Festivals européens des Blogs, le Wikio new wave etc) cachent en fait une volonté de faire du buzz (en vieux français : « on veut se la péter »). On brode du twitt et on retwitte à qui mieux-mieux, on continue de s’échauffer sur les Classements, on se cite, on se re-cite, on se re-re-cite. En chemin : on s’essouffle et la Singularité des Blogs se perd un peu :  ce n’est certes que l’avis partiel et partial de BiBi mais c’est son avis.

D’autres bloggeurs, plus cools, dressent l’inventaire de ce qu’ils aiment en sept points (revient hélas en boucle unanime cet insupportable «plaisir d’écrire » en numéro Un), d’autres dansent sur les algorithmes, trouvent amusants les Classements de Blogs, valsent sur les places qu’ils occupent, pleurnichent sur celles qu’ils perdent, fanfaronnent discrètement sur celles qu’ils gagnent.

BiBi soupire avec eux : Vivre pleinement l’époque du Fun, ça fatigue effectivement peut-être beaucoup.

Encore une fois, pour BiBi, ce qui le regonfle, ce sont les lectures. Pas tellement les lectures sur écran ( BiBi fatigue beaucoup à y rester trop longtemps – c’est pour ça qu’il ne « linke » pas trop) mais les bonnes vieilles lectures-papier.

Elias Canetti d’abord dans ses « Territoires de l’Homme » : «Les mots ne sont pas trop vieux, ce sont seulement les hommes qui le sont et qui se servent trop fréquemment des mêmes » et Roland Barthes ensuite : « La Marinade : le mot est de Gustave Flaubert. On se jette à un moment sur son lit. On ne fait rien. Les Pensées tournent en rond, on est un peu déprimé. Des marinades, j’en ai souvent mais elles ne durent pas longtemps, un quart d’heure à vingt minutes. Après, je reprends courage ».

Alors pour finir, un salut-BiBi à tous les gars et gâtes de la Marinade.

Ces écrivains qui nous aident à vivre.

C’est important de prendre appui sur Ceux qui ont écrit des choses que vous ressentiez. Inestimable est le soutien silencieux et désintéressé de ces Ecrivants  qui mettent en mot ces courants qui vous traversent et ce, beaucoup mieux que vous ne l’auriez fait vous-même avec votre pauvre langage.

Il est des Ecrivants qui lisent en vous : ils n’ont guère besoin de vous suivre, de vous épier. Ils sont là, ils vous regardent tranquillement et tout, du premier à leur dernier mot, vous touche, vous berce, vous perce, vous renverse.

Octave MANONNI.

« Une expérience a été faite sans qu’il la comprenne, par De Quincey. Il raconte qu’à un moment donné, il fréquentait une église où se trouvaient seulement des Espagnols et où, par conséquent, on ne parlait qu’espagnol, langue qu’il ne connaissait pas. Il s’y rendait uniquement pour le plaisir d’entendre cette langue. Cela provoquait chez lui une émotion qu’il ne pouvait expliquer.

Je considère que des expériences de ce type rappellent un moment de la petite enfance ; en effet notre langue maternelle a été pendant une certaine période un pur jeu linguistique pourtant plein d’obscures promesses de sens.

C’est pour cette raison que certains lecteurs éprouvent de l’intérêt pour des poèmes qu’ils ne comprennent pas, comme ceux de Mallarmé, mais dans lesquels ils retrouvent continuellement cette promesse de sens qui, n’ayant jamais été complètement tenue, laisse goûter le jeu des signifiants, jeu comparable à celui de la musique certainement, pas à cause de sa sonorité mais à cause de ce qu’il présente comme combinaisons, rencontres, répétitions, rappels et oppositions ».

Georges HALDAS.

1. « Ce n’est pas ce qu’on écrit qui compte. Nos livres, en effet, avec le Temps – et même bien avant – deviennent poussière. Ce qui compte en revanche c’est tout ce qu’en les écrivant on découvre : de nous-mêmes, des autres, du Monde et surtout de la Vie. »

2. « Lire vite, quand il s’agit d’un texte inspiré, est une maladresse et une profanation. Maladresse, parce que la rapidité ne permet pas de s’en nourrir (comme pour un repas), ni de l’assimiler. Et profanation parce que cette même rapidité est une offense à celui qui a inspiré le texte. Et qu’on n’accueille pas comme il faudrait, avec l’attention et le respect qu’il faudrait. C’est en fait empêcher la Source de pénétrer en nous. »

Elias CANETTI.

« Il n’y a rien qu’on sache tout de suite ; quand on a l’impression de savoir quelque chose tout de suite, c’est qu’on l’avait appris longtemps auparavant. Ne vaut que le savoir qui a vécu en nous secrètement ».

Vous pouvez relire :

« La Vie du Rail »…( BiBi cinéaste !)


La Vie duraille (sur une musique de Leonard Cohen)
envoyé par PensezBiBi. – Futurs lauréats du Sundance.

Pause de fenêtres.

Fenêtres sur cour

Aux États-Unis, des architectes avaient décidé de faire des buildings d’affaires sans ouverture sur l’extérieur. Ils avaient par contre beaucoup cogité sur un intérieur tout aseptisé. Il y avait là aquarium, jolies peintures aux murs, lumières sophistiquées et grosse moquette sous les pieds. Mais dès le premier mois de travail, les femmes qui étaient au boulot, ont commencé à avoir des migraines, des angoisses, des taticardies, des pertes de connaissances et le rendement s’en ressentait rudement.  Après réflexion,  il s’est avéré que c’était le manque de fenêtres, de velux, de vasistas, de baies vitrées sur l’extérieur, que c’était cette absence d’ouverture sur le Ciel et le Rêve qui avait provoqué le malaise.

Billet d’humeur SNCF.

Une minute d’arrêt.

Les Commentaires sont allés bon train la semaine dernière sur la suppression de la Carte Familles nombreuses et les restrictions souhaitées sur la Carte Vermeil. Pour BiBi, le Monde est toujours séparé en deux : il y a ceux qui ont la vie duraille et ceux qui gardent un train de vie somptueux. Il y a ceux qui montent dans le bon wagon (de la fortune) et ceux qui restent à quai (de la pauvreté).

Voila bientôt une année que le Petit Nicolas et sa bande nous montrent la voie et on se demande pourquoi c’est toute la France qui déraille et toujours les Pauvres qui dérouillent.
Bibi aime le train. En l’attendant, il est en salle d’attente. Dans ce lieu-là, il y a tous ces autres qui sont venus ici se côtoyer parce que, pour eux non plus, ça ne va pas trop fort. Dans un hall de gare, dans l’air vicié d’une salle d’attente, BiBi retrouve des gens qui ont déraillé, des gens que la vie a fait dévier de leur trajectoire. Ce sont des lieux de croisement pour les solitaires et les fous. BiBi y sent distinctement l’attente et l’espoir. Il a sorti un livre et s’est plongé sans coup férir dans les divagations d’Elias Canetti. Le voilà tout songeur sur l’anecdote rapportée par l’écrivain :
« Hier en Italie, à l’âge de 93 ans, est mort un homme qui vivait depuis vingt ans dans les chemins de fer. Il ne cessait d’aller d’un train à l’autre, n’ayant pas d’autre domicile. Ancien député, il disposait de billets gratuits. Sa grande fortune ayant disparu, il ne lui restait plus que ces billets. Il mourut dans la gare principale de Turin, alors qu’il s’apprêtait à changer de train. »

BiBi soupira : chacun sa façon de descendre au Terminus.