Tarzan sort de sa Forêt (2).

Tarzan fatigué.

L’offre des Studios hollywoodiens pour le rôle de Tarzan (1) arriva au début des années trente. Weissmuller devint l’Homme-Singe en 1932. Il vivra douze aventures, dont la moitié en compagnie de Maureen O’Sullivan (Jane). Les Dames patronnesses et les Ligues féministes américaines crièrent au scandale car Jane fut filmée nue, se baignant avec Tarzan. De plus, elle ne portait pas d’alliance ce qui fit d’elle une Femme vivant en « état de péché permanent ». Ensemble, ils connaîtront l’apogée du mythe, mettant à profit l’éphémère tolérance de Hollywood pour pousser la sensualité à un extrême que la Censure américaine ne permettra plus de sitôt. Pourtant, ils se détestaient. Maureen avait déclaré une fois que « Cheetah », la guenon de Tarzan, « sentait meilleur que Johnny ».


La gloire de Tarzan naîtra avec la première version parlante, « Tarzan, l’Homme-Singe », film  réalisé par W. S. Van Dyke. L’apparition de Johnny Weissmuller ceint d’un simple pagne y était ménagée avec un sens consommé du suspense puisque Tarzan n’entrait en scène que trente minutes après le début du film. Sa présence était annoncée par son cri étrange, qui deviendra sa carte de visite, et sans doute le son le plus célèbre du cinéma hollywoodien.
Dans la fiction, Tarzan pousse son cri en cas de danger ou pour appeler du secours. Dans la réalité aussi, ce cri l’aura sorti au moins une fois d’une situation embarrassante. Cela se passa en 1959. Johnny Weissmuller participe à un tournoi de golf pour célébrités à Cuba, lorsqu’il est attaqué par des partisans de Fidel Castro qui tente à cette époque de renverser le régime de Batista. Nullement paniqué, Weissmuller se lève lentement et battant sa poitrine avec ses poings lance son célèbre cri. La stupéfaction passée, les révolutionnaires identifient rapidement leur otage. Ils finissent par scander le nom de Tarzan. Après avoir reçu les autographes réclamés, ils escorteront l’Homme-singe jusqu’au trou suivant.
On raconta que son cri fut un ensemble de sons mixés à partir de plusieurs cris d’animaux mais Johnny Weissmuller donna en 1971 une autre explication plus embarrassante.  N’oublions pas qu’on chercha à gommer ses origines pour glorifier la Vertueuse et Démocratique Amérique, éternelle terre d’accueil. Interviewé dans un hôtel à Wiesbaden, il expliqua simplement : « Mes parents étaient originaires de Vienne et ce sont eux qui m’apprirent à pousser le « yodel », le célèbre cri des Tyroliens, lorsque nous partions en pique-nique ».
En 1949, la MGM décida d’interrompre la série qui risquait de sombrer dans la monotonie. Johnny Weissmuller qui avait 45 ans en fut réduit à tourner des films bâclés. Sa carrière d’acteur s’acheva en 1956 sur une séries de films-TV médiocres (« Jungle’s Jim »).  Le champion de natation tenta de se reconvertir à Chicago puis en Floride à Fort Lauderdale (1965) en… vendant des piscines. Mais le succès l’abandonna là aussi. A cause de multiples pensions alimentaires qu’il devait payer à ses ex-épouses, il fut bientôt ruiné. Il hypothéqua sa somptueuse résidence de Beverly Hills, son yacht, vendit ses Rolls.
On vit son portrait, perdu parmi tant d’autres, sur la pochette de « Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band » des Beatles.
En 1973, son gendre lui trouva in-extremis un emploi temporaire de portier dans un des Caesar’s Palace à Las Vegas. Tristesse : imaginons celui qui poussa des cris de liberté s’abaissant à surveiller les tapis verts, à ouvrir les portes aux Loups de la Finance. C’est à cette époque qu’il connut de sérieux problèmes de santé physique et mentale.
En 1977, il eut une attaque cérébrale  à Los Angeles. Il fut admis à l’Hôpital au Motion Picture & Television Home for Actors.
En 1979, le Directeur de l’établissement et sa première femme, Beryel Scott, le transférèrent dans un Centre d’Hygiène mentale à Acapulco. Ses problèmes respiratoires empirèrent et il mourut le 20 janvier 1984, cinq mois avant son quatre-vingtième anniversaire d’un œdème pulmonaire. Il fut enterré dans un quasi-anonymat ( Ronald Reagan envoya un télégramme de condoléance). Il repose au Valley of The Light Cemetery d’Acapulco.
Quand on demanda à un de ses enfants en 2006 ce qu’il retint de son père, voilà ce qu’il rapporta : «  J’ai ignoré jusqu’à très récemment ses origines austro-hongroises. Aucune de ses femmes ne m’en a parlées. Je retiendrais les violences conjugales  entre lui et sa dernière femme Maria, son incapacité à gérer sa fortune et le fait qu’il ne s’est jamais occupé de nous. »
Le fiston oublia pourtant l’humour de son père : « Le directeur des studios cherchait un Tarzan. Je me suis présenté, j’ai grimpé à un arbre et je devais m’élancer sur une liane. Le lendemain, on me persuada que j’étais un grand acteur ! » ou encore « Acteur, moi ? Dans ce domaine précis, je n’ai jamais eu la moindre prétention. Les cours d’art dramatique ? Très peu pour moi ! Je n’ai jamais eu à me préoccuper d’apprendre un texte. Mes répliques, surtout au début, se bornaient à des généralités du genre : « Moi, Tarzan. Toi, Jane », « Viens avec moi dans la jungle » ou quelque chose d’approchant.»


Johnny Weissmuller Junior oublia aussi la détresse finale de son père. Celui qui incarna l’Homme de la Liberté respirait difficilement mais continua jusqu’à sa mort de pousser inconsidérément son célèbre cri dans l’anonymat d’un asile psychiatrique mexicain.
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(1). « Tarzan l’homme singe » fut d’abord un livre d’Edgar Rice Burroughs. Il fut publié en 1912 et s’inspirait du « Livre de la jungle » de Rudyard Kipling, sorti, lui, en 1894.

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