Leroy et la « Jeune fille ».

BBB Leroy

On savait que, sur le tard, les Puissants n’aimaient guère rester en retrait. Tapis dans l’ombre jusque-là pour n’être reconnus que des initiés, il leur vient le désir irrépressible de se mettre à tout prix sous les projos, de vouloir être reconnu et aimé du plus grand nombre, d’être quasiment populaire ( Oh, c’est d’un chic !). Quand la Mort pointe le nez, on s’étale, on se met en avant, on délivre ses jugements, on donne de la voix et de l’écrit.

Ce dimanche, BiBi est tombé sur le JDD du Frère Lagardère, un peu étonné de voir qu’un illustre inconnu venait donner son opinion sur Polanski, Mitterrand, Clearstream, Jacques Chessex dans une entière page 19. Beaucoup pour un seul homme. Mais qui est donc ce Pierre Leroy ?

Penché sur l’encart de présentation, voilà ce que BiBi a retenu : Pierre Leroy est cogérant du groupe Lagardère, il est propriétaire du Journal du dimanche. Evidemment, ses hobbies se trouvent être l’Ecriture et l’Art. Juste ciel, se dit BiBi avec raison, c’est de la Catégorie Pinault-Arnault ! L’Art ! Littérature et Poésie, Messieurs Dames ! Et pas n’importe qui dans sa demeure : Rimbaud (plusieurs ouvrages) et Sade. Monsieur Leroy aurait un «regard». Un regard ? Un regard ! Voyons voir.

BiBi s’arrêtera sur la défense de Leroy sur Polanski. Pierre Leroy «pense chaque jour» à lui. Soit. Ils sont probablement de grands amis. Déjà, le début de l’article fait tiquer BiBi : « Tout en sachant bien qu’il y a pire cas que le sien et que la loi doit être la même pour tous, je pense chaque jour à Polanski ». Ce «Tout en sachant » fait déjà froid dans le dos. Il y aurait donc des choses à dire sur d’autres personnes plus persécutés que le réalisateur mais voilà, moi, Pierre Leroy, du haut de ma stature, du haut de mon fauteuil de Manager et de Grand Manitou du JDD, je pense à lui. Et mes pensées sont d’un poids évidemment incomparable. Et mes pensées, elles comptent avec toute cette grandeur qui s’attache à moi.

La suite de son argumentation obscène vise à sauver le soldat polonais : «Sa confession de 1984 révèle que la jeune fille, dont le physique et la féminité contredisaient largement l’âge, vivait dans un climat familial de permissivité et d’incitation tout à fait sidérant. Sa mère la confia à Polanski sans souci pour faire des photos de nu dont l’ambition suggestive n’était pas dissimulée et celui-ci affirme, concernant l’acte incriminé, que la petite était consentante, voire provocante ».

BiBi suit le raisonnement qui oscille entre les qualificatifs de «jeune fille» et de «Petite, consentante-provocante». Rappelons l’âge de la mineure : 13 ans. Plus loin : «Le contexte ainsi précisé n’excuse certes pas la relation prohibée avec une mineure… ». A la lecture, BiBi se demande pour quelle raison, Leroy emploie et rajoute cet adverbe incongru ici : «certes». Ôtez-le et vous verrez la différence, toute la différence.

BiBi a donc compris que la faute première incombait à cette Mère ambitieuse et indigne, si indigne qu’elle a livré sa fille – victime de l’ambition de sa mère – à ce pauvre Polanski qui ne demandait rien à personne et qui, pour un peu, a subi toute cette épreuve, toute cette mascarade. Fautifs donc : la mère et à un degré second, la fille «consentante et provocante» qui a de qui tenir. Grande et petite salope assurément. Grande et petite salope qui auraient trompé notre pauvre Roman, notre riche et généreux artiste.

Leroy veut jouer finement sa démonstration. Il avance tout en nuances, reconnaissant qu’il est minoritaire : «La «victime» (admirons les guillemets) puisqu’il faut l’appeler ainsi, a maintenant 45 ans et souhaite qu’on ne parle plus de cette histoire». Ah comme ce serait bien si tout rentrait dans l’ordre. Voilà ce qui est dit : «Laissons tomber ! Que diable cette affaire, vieille «d’un tiers de siècle» ! Laissons tomber : il ne s’agit là que d’un vieux polonais de 76 ans (pourquoi s’acharner sur cet individu au bord de la Mort, acharnement inhumain n’est-ce pas) ! Que diable, «nous sommes dans un autre temps, tout est décalé». C’est vrai : oublions ! Tout ça est si loin, tout ça est très confus et voyez ! Même l’enfant de 13 ans (aujourd’hui de 45 ans) a oublié cette vieille histoire. Alors, hein ? Allons, chers Juges et Magistrats, puisque je vous dis que cette dame de 45 ans veut passer l’éponge… Alors, Messieurs les Juges, rendez justice… à celui qui a un «merveilleux talent», à ce grand Cinéaste qui nous fit tant de bien, qui nous fit l’honneur de choisir la Ffffffrance !

Suivra la seconde colonne où – comment s’en étonner ?- Pierre Leroy nous persuade que Frédéric Mitterrand est un «excellent Ministre de la Culture». Solidarité des Nantis sans surprise. L’article de ce Monsieur Leroy s’intitule : «On croit rêver». Non, ces crapuleries sont réelles : elles sont dans le JDD, page 19 toute entière.

3 Responses to Leroy et la « Jeune fille ».

  1. celeste dit :

    merci Bibi d’analyser ainsi le JDD!
    Mais quel courage, décortiquer ce genre d’arguments, ces écrits poisseux…berk!

  2. Wam dit :

    Bravo BiBi !

    Oui, aujourd’hui le pauvre Polanski, l’assisté, le malade, n’avez-vous donc aucune pitié pour cet etre doux et fragile… comme une enfant ?

    La boucle est bouclée.

  3. BiBi dit :

    Tu as raison, Céleste. Des fois, j’aimerais pouvoir faire autre chose 🙂

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