Monthly Archives: octobre 2011

Sarkozy, Kadhafi : poignée de main et main à poigne.

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Ah les Dictateurs ! Qu’il est bon de se réjouir lorsque, tuméfiés, immobiles, définitivement immobiles, ils nous apparaissent. Qui oserait s’arrêter et déplorer les photos de ces visages défigurés, sanguinolents, déchiquetés ?

Ah les photos de Dictateurs terroristes ! Cela avait commencé en Roumanie où on se chargea d’éliminer Ceaucescu en lui mettant tout sur le dos et en le fusillant sans détours, cela avait continué avec Saddam Hussein, pauvre bougre et méchant souteneur. On eut droit ensuite à Ben Laden touché, coulé, noyé. Voilà maintenant le furieux Kadhafi.Un jour, il faudra se pencher sur ces visages photographiés, sur leur circulation dans le Monde, sur leur diffusion ultra-rapide et plus généralement sur le rôle de la Photographie dans les Concerts politiques du Monde.

Points communs sur toutes ces morts violentes : ils échappèrent tous à un procès en bonne et due forme.

Bah ! Quelle importance de vouloir juger ces odieux personnages ? A quoi bon convoquer juges, témoins, familles torturées, lire plaintes et faire étalage de possibles complicités ? Allez ! Hop ! Dégage Kadhafi ! Ta fin restera aussi noire que ton pétrole… euh… que notre pétrole.

Maîtrise de la langue et décret obscène en Sarkozye.

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Il va de soi pour BiBi que la langue ne se met pas au pas. Celui qui écrit prose et poésie sait combien fautes de syntaxe et fautes de grammaire sont des plus précieuses. Jouer avec la langue, en faisant fautes volontaires ou non – et en jouir tout autant – reste une des libertés fondamentales de l’animal humain doué de langage.

Mais dans le décret publié au Journal Officiel, il s’agit de tout autre chose. La Sarkozye vient en effet de pondre un de ses textes les plus obscènes : les Autorités exigent dorénavant un meilleur niveau de français et une langue française mieux maîtrisée pour acquérir la nationalité française par naturalisation.

Souvenons-nous pourtant lorsque l’italo-française, Carla Bruni Sarkozy, Reine du Combat contre l’illettrisme, avait souligné que son mari «était changé». Faut-il pousser à rappeler que notre Chochotte aurait été recalée dans ce cas-là car les futurs français doivent dorénavant être en mesure «d’émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers»?

Pour ce qui est de la Simplicité et de la Cohérence, attardons-nous plutôt sur Nicolas et ses fôtes d’ortograffe :

Défendant le bouclier fiscal devant des ouvriers d’Alstom, dans le Doubs, le Petit Chef avait déclaré : «Si y en a que ça les démange d’augmenter les impôts, ils oublient qu’on est dans une compétition … »

Parlant des études des élites : «On se demande c’est à quoi ça leur a servi ?».

Sans compter les oublis des négations comme dans : «J’ai pas été élu pour augmenter les impôts» ou encore «J’écoute, mais je tiens pas compte !» (Provins, le 20 janvier.)

Mais la plus belle fut certainement cet hommage aux résistants lors des commémorations à Londres du 70e anniversaire de l’appel du Général de Gaulle : «Quelles qu’avaient pu être avant la guerre leurs opinions, ils se batturent tous au fond pour la même idée de la liberté, la même idée de la civilisation».

Le 13 mars 2009 à Rambouillet, Nicolas se prononce sur le plan de réforme des Hôpitaux : «On commence par les infirmières parce qu’ils sont les plus nombreux».

Dans Femme Actuelle (mai 2009) : «Je sors de ma douche parce que j’étais faire sport».

A Provins, devant des fonctionnaires éberlués (20 janvier 2009) il dit sans ciller : «C’est quand même agréable de voir des hauts fonctionnaires à qui vous comprenez quand y parlent».

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BiBi laissera là notre «Grand Intellectuel» à son décret infâme. Dans un premier extrait, il relèvera la difficulté à écrire qui traverse aussi les plus grands écrivains de langue française. Ainsi de ce constat de Charles  JULIET pour lequel il n’est jamais facile – lettré ou non – de se plier aux exigences de la langue :

«Je dois dire que l’écriture pour moi c’est toujours un moment difficile. Il faut aborder quelque chose d’inconnu et d’immense. On voudrait pouvoir tout dire de ce qu’est l’être humain, de ce qu’est le drame d’exister, de ce que sont nos joies, nos avidités, nos déceptions, nos angoisses, nos instants de bonheur, nos « minutes heureuses » dont parle Baudelaire. Combien je me sens insuffisant face à cette immensité, face à tout ce qui existe et qui est toujours présent et bouche un peu l’horizon».

Le second texte fut écrit et chanté par Bobby Lapointe. Quoi de meilleure résistance que de reprendre en chœur la chanson qui avait pour titre : Toto ?

 « Eh Toto ya t’il ton papa

L’est pas là papa

Eh Toto ya t’il ta maman ?

L’est pas là Maman

Eh toto y a t’il ton pépé ?

L’est pas là mon pépé

Eh Toto ya t’il ta mémé ?

Yé pas Yé pas là

S’il n’y a pas ni ton papa ni ta mama ni ta tata

Ah quel bonheur j’viens de voir ta sœur ! »

 

Séjour et sept nuits à Paris.

BiBi est allé faire un tour à Paris.

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 Il est retourné à l’Opéra de Paris, visite qu’il effectua il y a très longtemps, enfant émerveillé. Le rouge velouté, la dorure des encarts, le silence feutré, les machinistes au travail sous la coupole dessinée par Marc Chagall font de l’endroit – encore aujourd’hui – une petite merveille.

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A l’opposé, non moins magnifiques, les photos d’Yves Marchand et de Romain Meffre à la Galerie Wanted Paris (23 rue du Roi de Sicile) invitent à la pensée avec la dégradation de la ville de Détroit. Ainsi, les grandes photographies de hauts lieux de la capitale de General Motors nous offrent – in visu – le déclin de l’Empire américain. Elles traduisent avec émotion l’agonie de la Ville, l’abandon de ses bâtiments (grands escaliers aux trois-quarts désolés, opéra et salle de spectacle rongés, piano devenu jetable etc). Nous sommes de plein pied dans ces lieux désaffectés, terriblement désaffectés. On sent cette désolation silencieuse, on est triste devant ces déserts citadins, on est révolté devant la logique industrielle d’un Capitalisme délirant, féroce et sans pitié. Ici, nulle place pour les habitants délocalisés eux aussi vers la périphérie, obligés de fuir le Centre en ruines.

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Au Onze Bar, 83 rue Jean-Pierre Timbaud (Paris 11ième), les soirées et les nuits sont empreintes de relents de bières, de chuchotements et de chants. Au fond de la salle, on entendit les mélopées douces et folkeuses des Buskers. Dans la tiédeur de la nuit de ce jeudi, BiBi apprécia le service de Ben et de Nathan, gardiens de but du Onze. Jazz, Soul, Blues, World Music : ne demandez pas le programme, il est sous vos yeux.

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Hôtel de Ville avec les Indignés, Puces de Saint-Ouen le samedi (Un livre sur William Blake à deux euros) et Vide-Grenier d’Avron le dimanche. Les photos des Indignés sont de Pauline A. Les autres sont nées des Click-Clak de BiBi.

17 octobre 1961: Meurtres pour mémoire.

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Par ses gouvernants, la France se fait arrogante donneuse de leçons d’Histoire. Sarkozy, le dernier en date : il vitupère les Turcs sur le génocide arménien mais nul doute qu’il a oublié les meurtres perpétrés le 17 octobre 1961, jour où la Police française – sous les ordres d’un certain préfet de la Seine du nom de Maurice Papon – jeta dans la Seine des opposants algériens qui venaient protester contre l’injuste couvre-feu qui, seul, les concernait.

Nous étions dans la guerre d’Algérie, à cinq mois des Accords d’Evian. Le massacre du 17 octobre 1961 s’inscrivait dans un long et féroce cycle de répression policière. Selon les archives judiciaires, on compta 246 décès d’algériens de mort violente en 1961 dont 105 en octobre. Encore aujourd’hui, il y a des falsificateurs qui présentent ces évènements comme des règlements de compte entre Algériens.

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BiBi eut connaissance de ces évènements lorsqu’il tomba dans les années 90 sur le livre de Didier Daeninckx («Meurtres pour Mémoire») paru en Série Noire. Les deux premiers chapitres du numéro 1945 de l’édition noire racontent le massacre en plein cœur de la Capitale. A partir de ce fait occulté par presse et médias, Daeninckx construisit une intrigue qui nous amène à Toulouse vingt ans après. L’inspecteur Cadin va mener l’enquête. Pour BiBi, ce polar restera un de ses meilleurs souvenirs de lecture de la Série Noire.

Lumières et Obscurité du Monde.

Quatre morceaux extraits du livre du cinéaste Jean-Louis Comolli («Voir et pouvoir» chez Verdier). Le livre a déjà 11 ans mais il dit présentement les choses.

1. Toutes les lumières du spectacle ne mettront pas fin à l’obscurité du monde, et je dis cela comme un espoir pour ce qui vient, qu’un peu de cette précieuse obscurité résiste dans la part du cinéma réfractaire au spectacle, que l’on cède aux grâces de l’ombre, aux beautés de l’inconnu, aux coups du sort. (…) Que reste t-il de nos jours s’il s’agit de tout éclairer, si le mot d’ordre (de tous les ordres) est d’y voir toujours plus jusqu’à la nausée ?

2. Nous en sommes arrivés à ce point de perfection, à ce brillant, que la loi de l’Information rejoint celle de la Marchandise : que toute chose devienne visible, que tout le visible devienne chose. «Transparence» était le nom d’un trucage cinématographique : c’est devenu celui d’une idéologie qui prétend percer tous les trucages. Cette sorte d’éclairage général qui commande à tout se propage à partir de la télévision (l’ombre, elle, rôde encore au cinéma). Comment en effet oublier que c’est au cinéma, dans les films par exemple de Feuillade, Hitchcock ou Jacques Tourneur autant que chez Edgar Poe, Lacan ou Debord que nous avons appris combien montrer c’était cacher ?

 

 3. Nous sommes dans l’idéologie de la transparence – ce mot depuis dix ans s’est montré le maître mot des pouvoirs politiques, le slogan publicitaire majeur, le régleur des consciences ; il était déjà la forme ultime et triomphante de la communication ; il nous assurait de ce que, entre «émetteur» et «récepteur» (comme entre spectacle et spectateur), il n’y avait point d’altération du message, aucune résistance, aucune perte, rien qui «travaille», au sens où l’on dit d’un souci ou d’un problème qu’il nous travaille. La Com’ comme bonheur impeccable. Réussite enchantée. La Communication, c’est la Grâce.

4. Trop lourdes, l’histoire intime et l’expérience vécue. Trop lourds, trop encombrants les corps réels. Trop résistants les Signifiants. Trop contraignantes les écritures. Il faut qu’il y ait à la fois du «plein» (l’illusion, le spectacle) pour conjurer la peur du vide de toutes ces vies vécues dans l’aliénation et la Soumission. Et il faut qu’il n’y ait pas trop de Sujet en jeu, car le Sujet, c’est la crise et la révolte. Entre ces deux écueils tente de passer l’économie libérale dominante.