Monthly Archives: mai 2008

Laurent Joffrin, le Rock et les Eléphants.

Rock and Roll

Tous les Vieux de la Vieille ont lu Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine. Dans une des tavernes zurichoises pleines d’émigrés russes, ce jeune et fringant Révolutionnaire d’Octobre avait lâché devant son absinthe  : « Il faut rêver! ».

Presque cent ans plus tard, un Amateur de Rock, un Rebelle de la Gauche-Caviar, un Barbu français très Hip nous sert ses œufs d’esturgeons avec cet indéfinissable air kitsch d’Intello-Complice. «Il faut rêver» : nous sommes évidemment censés tous connaître cet Oukase mythique et d’avoir dans nos bagages d’Homme de gauche cet impératif distingué et terriblement révolutionnaire. Car comment pourrions-nous comprendre le formidable Samizdat de Libération de ce vendredi 16 mai 2008 et déchiffrer le titre de ce premier « Rebonds » (« PS : le réformisme n’interdit pas le rêve ») si nous ne partagions pas ce même air révolutionnaire (d’autres écriraient le même « habitus de classe ») avec ce Branché de la Gauche tiède ? Car ce « Rebond » est une réponse. Ah oui ! Répondre à Vladimir Ilitch Oulianov et à ses ouailles, ça en jette, n’est-ce pas ?

Derrière sa Barbe bien taillée de Bobo, notre éditorialiste nous la joue fine et délicate. Il veut nous prendre à rebrousse-poil. Ah ! enfin ! nous dit-il, la Gauche (le PS évidemment) a enfin opéré sa mue ! Fini et répudié le marxisme ! Vive la critique essentiellement morale du capitalisme contemporain. Nous voilà enfin soulagés devant cette rupture avec la théorie de la lutte des classes. Nous voilà conquérants réalistes et batailleurs rebelles dans le cadre de l’économie de marché. Avec cette confirmation philosophique définitive : «L’individu libre est à la base de l’édifice intellectuel socialiste et non ces structures lugubres impersonnelles désignées par les marxistes ou par un Pierre Bourdieu comme l’ultima ratio déterminant la vie humaine ». Libres que vous êtes, journalistes précaires, retraités à 600 euros par mois, libres les étudiants qui dorment dans de miteuses caravanes, libres les marins-pêcheurs qui sentent le gas-oil et si libres les licenciés de Gandrange, consciences libres que tous ces chômeurs fainéants, ces Immigrés profiteurs et trop chouchoutés…

« Ultima ratio » : remarquons aussi l’emploi kitsch de la formule latine qui remplace le sel et soulignons l’absence de Majuscule pour Individu, Intellectuel, Socialiste qui aurait fait trop poivre exotique. Un beau et bon fumet, à rebours des plats réchauffés des Grandes Cuisines idéologiques d’antan, non ? BiBi soupire encore devant cette propension de ces Intellectuels-Caviar à dénier toute analyse sur leur propre position et trajectoire sociales ( «Consciences libres» que ces Messieurs !) mais pas les derniers à vouloir classer l’Autre («Marxistes, Bourdieusiens, Sociologues lugubres et embêtants, absurdes Rêveurs du Grand Soir, Orthodoxes et Bien-Pensants» etc)

Relevons encore : l’article n’est pas publié en seconde page comme les ex-interventions du Grand-père July. Il est situé à une place stratégique de débats et d’ouvertures : la page « Rebonds », page censée être le nec plus ultra du Journal (Hé, Laurent ! BiBi aussi sait jouer de sa langue latine !). Ce jour-là, l’intervention de Laurent voisinait celle de Pierre Marcelle (on est décidément magnanime et ouvert à toute la Maison de Gauche, n’est-ce pas ?).

Ce pseudo-égalitarisme colle tout à fait à la Stratégie du nouvel Esprit du Capitalisme : foin des Patrons (de Presse) intransigeants à la Lazareff, foin de la hiérarchie. On vient d’un 68 libertaire que diable ! On est à hauteur égalitaire de ses Opérateurs (on ne dit plus : employés). Piège évidemment grossier que BiBi démonte avec son aisance aristocratique coutumière. Il en déduit adroitement que  :

1. la raison d’être de cet article est de dire l’agacement de notre BoBo barbu qui n’a pas encore digéré le numéro-anniversaire de Libération du 21 mars 2008 où un petit rebond fit faire un grand Bond à l’Humanité. Il était intitulé vachardement et justement : « Libération d’aujourd’hui n’aurait pas fait mai 68 ».

2. qu’en gommant le fait que Laurent barbu est aussi « Directeur du Directoire », la tenue de cet article s’adresse – sans le dire – à sa propre équipe de journalistes. « Je suis comme vous ! Je suis comme on était avant ! Je suis avec vous contre tous les Pouvoirs etc etc. » Contenu manifeste banal et gentiment discret mais lorsque BiBi gratte dans le contenu latent… il trouve là, de la fermeté et de l’autoritarisme dans un rappel à l’ordre genre : « Messieurs et Mesdames les journalistes, n’essayez pas d’avoir d’autres idées que la mienne. D’accord pour jouer aux vilains petits canards à la petite récréation mais dès qu’on rentre en classe, vous obéissez au Maitre-qui-n’en-est-pas-un etc etc ». Arabesque managériale bien connue des Petits roitelets.

Cette nouvelle remise en Ordre s’accompagne de soutiens politiques que Laurent le Barbu voudrait d’envergure. Avec l’appui des Editeurs du Livre, il a aidé à ouvrir les portes pour les dénommés Huchon et Valls. Oh ! Ah ! Oh ! Quels magnifiques livres d’entretiens ! Tiens, tiens, Entretien, quand tu nous tiens !

Personne ne va croire BiBi et pourtant : oui, oui le Laurent barbu va lui aussi le sortir des presses incessamment sous peu, son livre. BiBi ne va pas ici en faire de la pub (il ne sera guère difficile pour le lecteur-lambda de voir, d’entendre Laurent dans les circuits habituels de L’Info-libre) mais avouons que le petit livre rouge d’entretiens de Laurent le Barbu arrive au poil.

BiBi conseillerait à Laurent-le-Bobo de former un groupe avec Valls à la batterie ( il a « du sang catalan » le bougre !) et Huchon au maxi-micro ( un formidable « amateur de rock cosmopolite »). Un beau trio qui ferait du bruit. En avant-première au Congrès de Novembre ? En Vedette américaine ? Ils remplaceraient si aisément – héritage oblige – les Eléphants des Eighty’s !

Alors pourquoi un tel article alors que cette Gauche de la Gauche ( BiBi aura prochainement des mots très hard-rock pour ces Incapables) est résiduelle, insigne et quasi-absente ? C’est qu’au-delà de ce faible poids, il y a les faits et les faits – comme disait un autre Barbu – sont têtus. Pas si simple de jeter les restes au panier, de se débarrasser des déchets.

Là-dessus, il faut faire comme BiBi, avec ce numéro de Libération trouvé sur le bateau le menant à Mykonos : en débarquant, il le tendit au premier pêcheur grec vendant son poisson à la criée. Même s’il ne lisait pas le français, le marin sut immédiatement quoi faire de ce cadeau impromptu.

La page « Rebonds » de Libération enveloppant son poisson-rebelle fut du plus bel effet.

Finalement, se dit BiBi, ça sert toujours un numéro de Libé.

L’Odyssée de BiBi (en Mer Egée).

En partance pour les Cyclades

L’Actu de BiBi, c’est qu’il existe des hommes, des femmes, des enfants, des chiens, des chats qui vivent loin de France et pour qui la France se réduit au plus simple, à la portion congrue, à la petite Image d’Epinal. Dans ces coins-là – Athènes et les Cyclades – même la langue française y est de peu d’utilité. C’est EuroNews TV, c’est le Herald Tribune qui dominent outrageusement la partie.
Alors BiBi, analphabète, regarde, scrute, jauge, dissèque, décortique. Voilà même qu’il se met à penser autrement. Il se souvient du mot de Picasso : «  Quand je lis les livres du physicien Albert Einstein auquel je ne comprends rien, ça ne fait rien : ça me fera comprendre autre chose».
BiBi, sur la Mer Egée, paraphrase en chantonnant : «  Quand je voyage dans un pays dont je ne comprends ni la langue ni l’écriture, ça ne fait rien : ça me fera comprendre autre chose ». Ici, cet « autre chose », rajoute BiBi, c’est d’abord et surtout « autre chose que les clichés sur la Grèce ».
Dans son Odyssée de huit jours et huit nuits, BiBi se drape en aède, livrant ses impressions, délivrant en quinze ses expressions…

Le Peintre et ses amis.

Chagall

Ce qui surprend dans la vie des peintres (1), c’est le nombre d’amis qui sont là, à l’atelier ou sur la terrasse, au jardin ou dans la serre. De ces amis qui proposent le gîte et le couvert, qui lèvent le voile et le coude et qui tâtent aussi du pinceau. La peinture est un travail de solitaire – mais contrairement à l’écriture – il est immédiatement partagé. On montre, on laisse voir aux proches, aux potes, aux amours. Voyages, mobilité, amitiés. Il y a là comme un monde qui sera à jamais interdit à BiBi.
Dans l’écrit, on est dans une solitude crasse : difficile de trouver un ami disponible à qui refiler immédiatement ses tableaux, à qui faire renifler ses travaux. Il est souvent absent le lecteur solide, bien campé sur ses deux jambes.
Pour tout au monde, BiBi donnerait un lien, une corde, un bout de ficelle, un filin, un câble pour s’amarrer à la chaîne des peintres.

(1) « Marc Chagall » par Pierre SCHNEIDER (Editions Flammarion).

La Beauté de Larache (Maroc).

Larache (Maroc)

M’est revenue la beauté de Larache…

Me sont revenues les ordures de novembre déversées sur la plage encastrée dans les roches rouges. Des ordures, des immondices colorées, des guirlandes épousant les dessins fins des ravines, des ordures comme des mots qui se jetteraient dans quelque recoin inatteignable. Un thé mentholé au « Cervantès », le  bistrot de Jean Genet qu’il fréquenta les 12 dernières années de sa vie. Et encore cet autre souvenir, cette conversation d’hotel entre ces deux hommes, deux ingénieurs français, dont l’un disait que l’eau serait dans les années futures le bien le plus précieux… pour son entreprise. Longue discussion sur la longue barre qui envoie les vagues à pleine puissance sur la côte, au nord de Larache. Les Travaux Publics marocains devaient aller chercher loin des gros cailloux jusque dans l’intérieur des terres pour les ramener et éviter l’ensablement du port. Au crépuscule, Mohammed, un habitant du quartier du Cimetière arabe me parla longuement de l’ami de Jean Genet et de sa tante enterrée du côté de Meknès. « Deux gros cailloux. L’un pour la tête, l’autre pour le corps : rien de plus. Comme pour ta tante » avait dit l’écrivain à son ami marocain en lui parlant de sa propre pierre tombale.

Des fictions qui disparaissent.

Tornade

Il est de milliers de fictions qui m’arrivent, mais elles m’arrivent émiettées, par bribes, comme détachées, par morceaux, par lambeaux. A peine si elles se rappellent à mon souvenir. Tant de vers mort-nés, tant d’histoires fantastiques et de projets prodigieux perdus. Ces fictions passent à la vitesse de la lumière, elles passent que déjà elles se perdent, que déjà s’impose un autre embryon de fiction qui à son tour s’évanouira. Ne restent plus qu’en mémoire des traînées fulgurantes, des élans impossibles à fixer. Ces accumulations me sortent pourtant de la torpeur du Quotidien.