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Pas de politique pour les sales gosses ?

Jacques Alain Bénisti est député UMP de la quatrième circonscription du Val de Marne. Bien connu pour avoir soutenu le repérage de supposés «troubles de comportement» chez l’enfant «délinquant» (dès 2/3 ans !), il continue de vouloir protéger notre belle jeunesse de France.

Le 19 octobre dernier, il déposait la proposition de loi n° 2884 visant à «interdire tout affichage publicitaire ou politique sur les murs extérieurs et à l’intérieur des locaux et des établissements recevant des jeunes enfants et des mineurs».

Trouillomètre à zéro, il voit bien entendu derrière chaque enfant (l’enfance, pour lui, va jusqu’à… dix-huit ans !) un être humain dont il faut se protéger tout en déclarant… qu’il faut le protéger.

La protection contre la sauvagerie de l’enfant et la propagande politique dont il serait victime est valable pour «les collèges et lycées, mais aussi pour les centres de loisirs ou de vacances ou pour les crèches départementales, quand il en existe». Ce député, horrifié de l’affichage politique, ne considère la jeunesse que comme un troupeau vulnérable indifférencié. Pour lui, les «personnes accueillies dans ces établissements sont jeunes, donc vulnérables» et «par définition, elles manquent de maturité».

Cette vision totalisatrice est le propre de tous ceux qui, en haine de l’enfant, ne le perçoivent que dans un rapport de force et d’obéissance. Ne nous étonnons pas que pas une seule fois notre Président n’ait parlé d’éducation dans ses diatribes. Docile, Jacques Alain s’agenouille devant son Maître Nicolas. Quant à la confiance dans les éducateurs qui entourent l’enfant, la confiance dans les potentialités citoyennes des jeunes, la confiance dans leur intelligence et leur perspicacité, bouhhh, vous n’y pensez pas !

Alors donnons à Jacques Alain un peu à lire ! Allez, hop ! hop ! Au boulot, Jacques Alain ! Le devoir du soir sera la lecture du texte de l’article 13 de la Convention des Droits de l’Enfant :

« 1. L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique ou par tout autre moyen du choix de l’enfant.

« 2. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires : a) Au respect des droits ou de la réputation d’autrui ou b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.

Lire aussi les 3 articles-BiBi sur l’Enfant vu par son compère UMP, B. Aubril :

C’est vrai que tout fout le camp ?

BiBi a décidé d’ouvrir son blog à un billet du philosophe et sociologue Saül Karsz, animateur de séminaires et de journées de formation. Les travailleurs sociaux connaissent son humour dévastateur et politiquement incorrect. Ils l’apprécient aussi pour ses pensées constructives (et déconstructives), pour ses argumentations ouvertes, offensives et singulières. En somme… tout ce qui fait les délices de BiBi !

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« L’édito du numéro 987 (30 septembre 2010) de Lien Social part d’un constat : «tout fout le camp», détaillé par une énumération qui pourrait s’allonger pendant des pages et des pages. En France et ailleurs, de vastes domaines de l’existence individuelle et collective donnent l’impression qu’en effet tout fout le camp, implacablement. Le champ social et médico-social ne fait nullement exception. Pourquoi le ferait-il ? Ce constat rend encore plus prégnante une question complexe mais incontournable, que beaucoup se posent : que faire ?

Pareille question exige une compréhension aussi rigoureuse que possible de ce qui est en jeu aujourd’hui : on n’a jamais intérêt à se tromper d’adversaire ! Commençons par écarter une première posture aussi habituelle que catastrophiste. Ce sont les multiples dénonciations des temps présents, trop souvent nourries de la nostalgie d’un passé magnifié après-coup, mais qui fut, pour beaucoup de gens, difficile, très difficile, et auquel, quoi qu’il en soit, on ne retournera certainement pas. Contrairement à ce qu’affirment des auteurs pressés, nous ne vivons aucune «mutation anthropologique», «mise à mort de l’humain», «perte des repères», «cassure du lien social» et autres lieux très-très communs…

Pourquoi ne pas tenter de faire plus et mieux qu’idéaliser le passé et diaboliser le présent ? Voilà l’hypothèse que je souhaite soumettre au lecteur. A savoir : nous vivons à l’époque de la révolution néolibérale. Telle est la vérité contemporaine. Révolution, soit un processus de transformation relativement radicale des conditions de vie, objectives et subjectives, non seulement économiques mais aussi intimes. Non seulement collectives mais aussi individuelles. Ce ne sont pas uniquement des réformes, grandes ou petites, qui sont en cours. Ni non plus des modifications substantielles dans la production et la distribution – effrontément inégalitaires – des biens et des ressources. Sont également en cause la manière de naitre, de vivre et de mourir, la manière de penser, de se penser et de ne pas penser, les modalités du vivre-ensemble.

Ce n’est nullement l’humain qui est menacé de disparition, mais certaines de ses représentations, qui résistent mal aux offensives tous azimuts des doctrines néolibérales. Ce n’est pas rien, certes ! Mais ce n’est pas tout non plus. De même que le diagnostic sur une personne n’est pas cette personne, mais juste une des manières de la percevoir et de la traiter, les représentations avec lesquelles on s’approche du réel ne sont pas le réel. Celui-ci peut faire l’objet de bien d’autres représentations, de bien d’autres traitements…

Bref, ce n’est nullement de la fin du monde qu’il s’agit, mais de certaines de ses configurations idéologiques, humanistes notamment. Heureusement tout ne fout pas le camp, mais juste un certain nombre de nos naïvetés. Tous comptes faits, ce n’est pas forcément malheureux…

Restent alors des combats effectifs à mener : le combat des idées, capables d’aller au-delà de la dénonciation nostalgique et-ou de la diabolisation à outrance ; le débat argumenté quant à ce que peut et ce que ne peut pas l’intervention sociale et médico-sociale ; la défense, dans des actions collectives, d’une démocratie impossible à sauvegarder si ce n’est au prix de son extension ininterrompue. Faute de quoi, nous continuerons à faire, objectivement, le lit de cela même que nous dénigrons subjectivement».

(1) Saül KARSZ, philosophe et sociologue, responsable de l’Association Pratiques Sociales.  www.pratiques-sociales.org tél 06 45 90 67 61.

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Pour les habitués du Blog, voici les résultats complets et attendus du Quizz pipolitique de BiBi.

  • A. Jean Lacouture.
  • B. Aimé Césaire.
  • C. Sergueï Pougatchev.
  • D. Marc-Philippe Daubresse.
  • E. Visite 2010 au Plateau des Glières, au pied du Monument de la Résistance.
  • F. Nadine Morano.
  • G. Robert Nahmias.
  • H. Fabrice Luchini.

Roms : une chronique rageuse d’Etienne Liebig.

Etienne Liebig est un nouveau « chroniqueur » dans « Lien Social », la revue des éducateurs spécialisés. Dans le numéro du 2 septembre, cet éducateur, qui accompagne les Tsiganes depuis plus de 20 ans, a publié cette petite chose qui en dit long sur la rage et la colère qui soulèvent quelques-uns d’entre nous.

Le billet s’intitule : COURAGE POLITIQUE.

BiBi espère qu’Etienne Liebig ne lui en voudra pas de présenter ses très riches pensées à propos desquelles il n’y a rien à jeter.

«Cet été, les politiques ne nous ont pas déçus. Nous qui trouvions qu’ils manquaient de courage, là, j’en suis resté baba ! Ils ont osé enfin dire tout haut ce que le pilier de bar pense tout bas : «Les Tsiganes sont des voleurs qui roulent avec de grosses voitures que même moi, je peux pas me payer, c’est normal, ça ?». C’est beau, c’est grand de parler d’une ethnie spécifique en termes génériques.

Pourquoi n’ont-ils pas rajouté, puisqu’ils sont sur la bonne pente, que l’Antillais est nonchalant, l’Auvergnat près de ses sous, le Chinois cruel et les Portugais âpre au gain ? Peut-être parce que les Antillais-Auvergnats-Chinois-Portugais ont des représentants au sein de la Nation, au sein des instances européennes ou internationales et qu’un propos ethnicisant et raciste à leur encontre vaudrait une condamnation définitive tandis que les Roms et les Manouches n’ont aucun poids politique (…)

Les Tsiganes n’ont pas de députés, pas de grosses entreprises, pas de consulat, pas d’armée et pas de fric. On peut y aller franchement et laisser libre cours à la petite vengeance sociale dont rêvent tous les frustrés et les nazillons. Et bien, je vais les rassurer, c’est réussi. Je suis passé voir des Roms roumains expulsés de baraques construites sur le bord d’une bretelle d’autoroute à Bobigny où les familles dorment à même le sol d’un parking, sous la flotte et où les femmes pleurent car leurs bébés manquent de lait (…)

J’ai été surpris toutefois : je n’ai vu personne danser et chanter… Il me semblait pourtant que les Tsiganes aimaient se réunir autour du feu, le soir, que les hommes jouaient de la guitare pendant que les femmes agitaient leurs robes. On m’aurait menti ?»

Le Ministère de la Reconnaissance.

Notre Président Sarkozy essaye de culpabiliser certains parents en leur promettant la précarité accentuée si leurs enfants sont absents de l’école. Il les catégorise en parents en « démission croissante ». Dans «Actualités Sociales hebdomadaires » (numéro du 2 avril), Daniel Marcelli, psychiatre de l’enfant et adolescent au CHU de Poitiers et auteur de nombreux ouvrages sur les adolescents (1), remet les choses à leur juste niveau :« Je ne constate pas d’augmentation du nombre de ces parents. Dire le contraire, c’est de l’agitation politique électoraliste. J’observe que les parents sont plutôt soucieux d’élever leurs enfants selon les normes de la société ». Il situe les difficultés parentales au moment où l’enfant « commence à acquérir des compétences motrices et à découvrir le monde qui l’entoure ». « Là, poursuit-il, il faut lui fixer des limites ».

Daniel Marcelli s’insurge à propos du « concept zéro», concept né aux Etats-Unis, fruit d’une société d’une violence extrême, concept qui relève bel et bien de l’autoritarisme. Il s’agit de réponses par oui ou par non, d’une bêtise affligeante ».

La « tolérance zéro » n’est pour le psychiatre que de la « phraséologie politique destinée à rassurer ceux qui ont peur et qui sont, hélas, de plus en plus nombreux». « La soumission, poursuit-il, relève de l’animalité (2). Qu’elle procède par la force ou par la séduction, elle vise toujours à amener l’autre à sa merci. Ce n’est jamais une reconnaissance de l’altérité. A l’inverse, dans l’autorité [démocratique], il y a une reconnaissance de l’autre dans sa faiblesse ».

Pour BiBi, ces propos font écho à un passage retenu de Paul Ricœur qui proposait de mettre en avant non l’identité mais la « reconnaissance » : « Dans la notion d’Identité, il y a seulement l’idée du même tandis que la reconnaissance est un concept qui intègre directement l’altérité, qui permet une dialectique du même et de l’autre. La revendication d’identité a toujours quelque chose de violent à l’égard d’autrui ».

Avec Ricœur au Pouvoir, nous aurions probablement eu ce beau Ministère de la Reconnaissance…au lieu de cette insulte quotidienne qu’est l’existence du « Ministère de l’Identité Nationale ». A méditer silencieusement en ces temps bruyants où nos Responsables politiques veulent instiller une paranoïa généralisée.

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(1) « Qu’est-ce que ça sent dans ta chambre ? Votre ado fume-t-il du hasch ? » Daniel Marcelli  et la journaliste Christine Baudry. Editions Albin Michel, 2006.

(2) « Il est permis d’obéir : l’obéissance n’est pas la soumission ». Editions Albin Michel, août 2009.

« Lien Social », la revue incontournable des éducateurs.

C’est toujours une joie de voir arriver sur le bureau des éducateurs le numéro du « Lien Social ». Lecteur depuis très longtemps de l’hebdomadaire basé à Toulouse (où, jadis, il participa à la première Rencontre Nationale des Éducateurs), BiBi a toujours trouvé une diversité bienvenue dans les approches théoriques du Journal et a très souvent apprécié les multiples points de vue sur le Travail Social.

Des noms accompagnent la lecture de BiBi :  Jean Cartry, le partant Lucien Bargane (dont les écrits lui furent très proches), Etienne Liebig, le nouveau venu qui tient une rubrique régulière dans Siné hebdo, le stakhanoviste Jacques Trémintin, Joël Plantet etc.

Bel équilibre que celui du Lien Social : il centre chaque numéro sur un grand thème. Pour exemples : « L’enfant placé chez lui/ La mixité à l’épreuve des Quartiers/ La pédagogie sociale aujourd’hui/Accompagner les femmes enceintes à l’hôpital » etc. Les premières pages (Social Actualités) fourmillent de précisions et chaque article tiendrait lieu d’un article-BiBi. Dans le numéro du 7 janvier, on revient sur l’article L.622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) qui prévoit jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 30000 euros d’amende pour quiconque vient en aide à une personne en situation irrégulière. Christian Deltombe, président d’Emmaüs-France, ajoute : «En raison de l’existence de ce texte, nous sommes l’objet d’un harcèlement de terrain quasi-permanent».

Le numéro du 21 janvier, un entrefilet précise le nombre de personnes sous écrous au premier janvier 2010 (66089). Dans ce chiffre : 15395 prévenus, 45583 condamnés, 4489 placés sous surveillance électronique et 622 condamnés en placement à l’extérieur sans hébergement pénitentiaire (chiffres de Pierre V. Tournier, chercheur).

Ailleurs, on trouve la rubrique livres (deux compte-rendus très appréciés des dernières parutions), les incontournables offres d’emploi et le courrier des lecteurs ( les deux pages préférées de BiBi, pages qui montrent que, partout en France, il y a des éducs qui ont la pêche). Et si nombre d’éducateurs tiennent le coup et sont loin d’être moribonds aujourd’hui – malgré les réformes dramatiques annoncées-, on le doit certainement au soutien et à la présence hebdomadaire du « Lien Social » dans nos pratiques.