Marcher, penser, parler avec Serge Daney.

Serge Daney

Voici qu’en rangeant mes paperolles, je tombe sur un article de Chloé Hunzinger rendant compte du récit de vie du critique Serge Daney. Réalisé en compagnie de Serge Toubiana, ce livre («Persévérance» chez POL 1994) n’avait pas été entièrement revu et corrigé par Serge Daney puisque celui-ci décédera quelques mois plus tard. Il reste ces pépites, ces fulgurances, ces morceaux choisis dans des chemins souterrains. Une conversation secrète dont je restitue ici quelques lignes de fuite.

perseverance« J’ai cru à mon destin, à une sorte d’étoile pâle mais je n’ai pas cru en moi. Passeur, je suis resté au milieu du gué, en attendant que, d’une rive ou de l’autre, quelqu’un m’appelle ou me tende la main, et comme ça n’arrivait jamais, je me suis mis à donner de la voix et à passer de petits messages… pour donner des nouvelles d’une rive à l’autre sans appartenir moi-même à aucune des rives. A la façon d’un épouvantail assez digne ou d’une statue d’Art moderne»

A Jacques Meunier, Serge Daney parlera Voyage :

«Pourquoi voyage t-on ? Est-ce pour réguler sa température interne comme les cigognes et les chauve-souris ? Est-ce pour vérifier ses rêves et ses théories comme le poète ou le philosophe ? Ou est-ce pour disparaître un moment afin de se faire aimer comme l’enfant fugueur ?»

«Les cartes de géographie, ça n’a jamais cessé. Il y en a une chez moi, la seule image collée au mur, c’est elle, celle de l’IGN. Je ne suis pas du tout un découvreur, un explorateur : je ne serais jamais allé dans un pays s’il n’avait figuré sur une carte de géographie…» On peut alors se demander ce que le Voyageur va vérifier. Peut-être ceci : « l’immatérialité de la frontière, l’arbitraire du Signe». «On va jouir infiniment de ce moment de coalescence que l’on approche en avion quand la carte est le territoire et que les deux, en plus, ont, comme moi, un nom». Parce que «La chose que l’on voit, c’est le nom. Il faut vérifier que quelque chose répond à ce nom, répond présent».

*

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Et puis cette sensation parfaitement condensée :

«Rien ne me touche plus que l’obstination toujours défaite, découragée, déroulée, avec laquelle, quand même chacun essaie de toucher un peu de bonheur sur terre».

Ou enfin, ce désir de l’autre :

«La seule chose qui m’intéresse, c’est de comprendre comment l’autre se dépatouille, de connaître ses paramètres, ce avec quoi il se bagarre, sur quoi il bute et qu’est-ce que cela produit».

4 Responses to Marcher, penser, parler avec Serge Daney.

  1. Bonne année l’ami à toi et tes proches. Et à la prochaine 😉

  2. BiBi dit :

    @pas perdus
    Commence bien l’année car elle risque d’être difficile. On en recausera j’espère.

  3. lediazec dit :

    J’attends le premier des douze coups de minuit et voici l’avant-premier. Il est pour ce blog et la personne qui le tient.
    Bonne année !

  4. BiBi dit :

    @Le diazec
    Que l’année soit meilleure que la précédente. Que cette année 2013 soit porte-bonheur dans ton pré (de Ruminants).

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